À l'occasion de la publication des actes de notre colloque sur « La France dans le Pacifique », voici le témoignage du secrétaire d'État chargé du Pacifique Sud.
Sécurité du Pacifique Sud, sécurité de la France
Les dirigeants du Pacifique Sud ont bien souvent une perception sommaire des questions de sécurité : elle se fonde en partie sur le sentiment de sûreté totale qu’a, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, imprimé la suprématie occidentale dans la région, et spécialement la rassurante présence des forces armées américaines. L’aboutissement logique de cette perception est, naturellement, la remise en cause de l’effort de défense lui-même : puisque nous habitons dans des îles privilégiées, éloignées des champs de bataille potentiels où s’exercerait la rivalité entre les grandes puissances, à quoi bon s’imposer des contraintes et pourquoi ne pas céder aux faux-semblants démagogiques ambiants, spécialement à l’allergie antinucléaire habilement véhiculée par des organisations moins désintéressées qu’il n’y paraît ?
Cette attitude est illustrée par le comportement du gouvernement travailliste néo-zélandais de M. David Lange et par le paradoxe consistant à rendre notre pays, du fait de notre force de frappe, responsable des problèmes de sécurité dans la région ! Comment le peuple néo-zélandais courageux, solidaire des démocraties alliées pendant les deux guerres mondiales et les conflits de Corée et du Vietnam, a-t-il pu pratiquement renoncer au système d’alliance qui le liait à l’Australie et aux États-Unis, l’ANZUS ? Par quelle illusion pacifiste peut-il se croire à l’abri d’une conflagration généralisée, alors que la Deuxième Guerre mondiale, on l’a bien vu, s’est également étendue au Pacifique Sud et que ses ressources agricoles, entre autres, en feraient évidemment un enjeu dans l’hypothèse d’un nouveau conflit ? Par quel refus de lucidité peut-on se sentir en sécurité parce que d’autres (les États-Unis au premier chef) assurent une dissuasion globale au profit des démocraties occidentales, grâce au fait nucléaire, tout en refusant pour soi-même, au nom de principes passionnels, des obligations aussi peu contraignantes que celle d’autoriser dans ses ports des escales de bâtiments de guerre à propulsion nucléaire ?
Cette singulière erreur d’appréciation a entraîné l’ensemble des pays du forum du Pacifique Sud à signer le 6 août 1985 le traité de dénucléarisation dit traité de Rarotonga. Il s’agit, certainement, d’une étape sur la voie du désarmement nucléaire, mais dans le sens d’un désarmement occidental unilatéral ! Les pays du forum se sont par-là engagés dans un processus qui vise au premier chef la capacité de dissuasion indépendante de la France, puisque c’est la cessation des essais de Mururoa qui est recherchée.
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