Le 11 mai 1988, la Cour de sûreté de l’État sénégalaise rendait envers maître Abdoulaye Wade un verdict de clémence, propre à décrisper les rapports orageux existant entre le président Abdou Diouf et une opposition légale forte. L'auteur, colonel et professeur à l’École supérieure de guerre, nous dresse un tableau tout à fait complet de ce pays auquel la France est particulièrement liée : le Sénégal. Il met en relief les atouts et les difficultés, la qualité des hommes et leur attachement à la démocratie; il tente de dégager quelques perspectives d’avenir.
Regards sur le Sénégal
« Sénégal, toi le fils de l’écume du lion, Toi surgi de la nuit au galop des chevaux… »
(Hymne national)
Le 1er janvier 1981, M. Senghor quitte l’arène politique après avoir préparé sa succession. Abdou Diouf devient alors président de la République du Sénégal. Ce n’est qu’aux élections de 1983 qu’il recevra une véritable légitimation populaire, cessant alors de n’être que l’héritier de Senghor. Le 28 février dernier, il est réélu pour un nouveau mandat, après une campagne d’une rare violence verbale. Bien avant le scrutin, l’agitation régnait dans les milieux scolaires et universitaires en particulier à Dakar et à Thiès. À la veille des élections, Abdou Diouf avait lancé un avertissement solennel à l’opposition, accusant le parti démocratique sénégalais (PDS) de M. Abdoulaye Wade, son principal rival, de manipuler les lycéens en grève. Le lundi 29 février, le « lundi noir », le président, confronté à des manifestations incontrôlées, des actes de vandalisme et de pillage risquant de dégénérer en émeutes, décrétait l’état d’urgence dans la région de Dakar. Il faisait, en outre, procéder à l’arrestation de dirigeants de l’opposition, dont M. Wade, accusés d’être à l’origine des incidents, et les faisait traduire devant la Cour de sûreté de l’État.
Situé au cœur d’une « zone de turbulences où la Mauritanie, le Mali et le Burkina Faso connaissent une évolution particulièrement agitée, le Sénégal traverse depuis son accession à l’indépendance, le 20 août 1960, une période de grande stabilité ». Tel était le diagnostic que portait sur le Sénégal en 1985 (1) M. Philippe Decraene, directeur du Centre des hautes études sur l’Afrique et l’Asie modernes. La situation troublée que connaît le Sénégal depuis quelque temps est-elle de nature à modifier profondément cette image que ce pays s’est forgée en Afrique et dans le monde ?
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