« À la relative émancipation des satellites pourrait correspondre un retour de la Yougoslavie dans l'orbite soviétique ». Voilà la thèse qu'aborde l'auteur ici et que nous faisons paraître peu de temps après l'étude du professeur Bebler sur la sécurité yougoslave ; la comparaison des points de vue nous a semblé en effet intéressante.
Quoi de neuf ? La question balkanique !
« Un incendie menace d’éclater à Belgrade et de prendre en Europe des proportions immenses ». C’est en ces termes qu’Alexis Vitry exposait la question serbe, en 1900, dans une étude (1) qu’il concluait par ces lignes prophétiques : « Le flot germanique déborde. Il est temps de l’endiguer. Que l’on se hâte ! Les jours de l’empereur d’Autriche sont comptés… ». L’analyse était bonne, même si les deux victimes furent en 1903 Alexandre 1er de Serbie et en 1914 l’archiduc François-Ferdinand… et le geste du Bosniaque Princip à Sarajevo provoqua cette troisième guerre balkanique qui dégénéra en conflit mondial.
Près d’un siècle plus tard et quarante ans après les conférences de Yalta et de Postdam, les pays de l’Est s’interrogent sur leur avenir, mais aussi sur leur passé. Les Balkans se réveillent et le vivifiant « printemps des nationalités » restitue à nos mémoires les anciennes cartes de l’Europe : la Mitteleuropa ressuscite dans les esprits ; la suppression du rideau de fer entre l’Autriche et la Hongrie, outre les questions qu’elle pose pour une intégration de la première à la CEE et l’appartenance de la seconde au bloc communiste, nous rappelle la grandeur d’un empire dont la dernière impératrice vient de s’éteindre ; et alors que les graves événements de Géorgie, les affrontements d’Arménie et d’Azerbaïdjan, les revendications des États Baltes et le malaise ukrainien portent en eux-mêmes les germes de cet « éclatement de l’empire » prophétisé par Hélène Carrère d’Encausse, les incidents du Kosovo et les manifestations en Slovénie illustrent également la fragilité de la construction yougoslave.
Modèle d’originalité dans le monde socialiste, pionnière de l’autogestion économique et d’une défense alternative, la Yougoslavie traverse à nouveau, sous les pressions nationalistes, une zone de turbulences qui en démontre les vulnérabilités. Or, le maintien du non-alignement de cette république fédérative est une condition essentielle de l’équilibre européen. Cette indépendance est-elle menacée ? Il semble, pour paradoxal que cela apparaisse, que le climat actuel de détente instauré par la nouvelle politique médiatique de Mikhaïl Gorbatchev influe directement sur les poussées de fièvre des États frères. Et, ironie de l’histoire, au relâchement apparent des liens entre les pays du Pacte de Varsovie et l’URSS pourrait correspondre un rapprochement entre Belgrade et Moscou. Dans l’étude précitée, Alexis Vitry notait : « Ce que la force écrasante du nombre des soldats russes n’a pu obtenir, la diplomatie du tsar s’efforce aujourd’hui à le réaliser ». Il s’agissait alors de placer la Serbie indépendante sous la tutelle panslavique de la sainte Russie.
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