L’Allemagne étant, aujourd’hui plus encore qu’hier, au centre de nos préoccupations, il nous a semblé judicieux de publier un dossier sur ce sujet. Trois personnalités ont bien voulu participer à la rédaction de ce dossier, chacune donnant un point de vue personnel fonction de sa situation et de son expérience : M. Jacques Morizet, ambassadeur de France ; M. Walter Schütze, secrétaire général du Comité d’étude des relations franco-allemandes ; M. Christian Wehrschütz, historien, rédacteur en chef du quotidien viennois Neue Freie Zeitung. Nous les remercions de leur contribution particulièrement bienvenue.
Le problème allemand vu de la France
Le raz-de-marée qui, en novembre [1989]*, a déferlé sur la République démocratique allemande a touché la France en profondeur, montrant à quel point l’opinion reste toujours sensible à l’avenir du problème allemand, L’émotivité et la passion l’ont largement emporté sur le sang-froid et le souci d’analyse objective.
Cette réaction est très compréhensible. Alors qu’il y a quelques semaines encore, la République démocratique allemande apparaissait comme le bastion le plus dur du communisme, l’accélération imprévisible des événements, le désarroi des gouvernants devant la force montante des manifestations, faisaient brusquement resurgir le spectre de la réunification. Devant la crainte que celle-ci ne s’impose brutalement, bien des Français se demandaient à nouveau quelle Allemagne leur conviendrait le mieux. Comment pourrait-on concilier le droit indiscutable du peuple allemand à l’autodétermination avec le désir de sécurité du voisin français, toujours profondément marqué par le souvenir de trois invasions successives en moins de 70 ans.
La question était d’autant plus impérative qu’habituée depuis plusieurs décennies à vivre dans le cadre d’un statut européen qui correspond pleinement à son besoin de sécurité, la France avait pris l’initiative d’un retournement politique sans précédent. En 30 ans, elle s’était réconciliée avec la République fédérale d’Allemagne, État né de la division, aspirant à s’exprimer au nom de tous les Allemands et regroupant plus des trois quarts de ceux-ci. Les deux pays, devenus amis, avaient scellé leur entente en signant un Traité d’amitié et de coopération, dont on a célébré, l’année dernière, le 25e anniversaire. Ils étaient désormais partenaires au sein des mêmes alliances et paraissaient aller dans le cadre européen vers une communauté de destin.
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