Politique et diplomatie - Les chantiers communautaires
À l’aube de la décennie 90, la Communauté européenne émerge comme l’un des grands bénéficiaires des bouleversements récents.
Son processus paraît exemplaire : prendre pour fondements les réalités économiques ; privilégier les domaines concrets de coopération (commerce ; libre circulation des biens, des capitaux, des hommes ; monnaie…) ; rassembler dans l’égalité des États, autour d’intérêts partagés bien compris ; respecter les diversités culturelles, nationales et même en faire des atouts, marques d’une association libre de peuples libres. La Communauté s’impose comme le champ d’expérience de relations internationales raisonnables : les rivalités ne sont pas niées, mais soumises à des règles du jeu. Sa première force réside dans la formidable machine à négocier, à produire des compromis qu’elle a établie entre ses États membres. Aujourd’hui, l’Europe des Douze constitue bien une référence pour toutes les expériences d’organisation régionale, qui, peut-être, ne perçoivent pas que la construction européenne est d’abord l’enfant d’une très longue histoire, celle de peuples voulant sortir du piège de guerres multiséculaires.
En outre, la dislocation de l’ordre des blocs, les turbulences qui en résultent font de la Communauté le pôle de stabilité et d’équilibre du Vieux Continent. D’un côté, la Communauté est loin d’être achevée : elle demeure un chantier. Sa dynamique exige une relance perpétuelle, afin de, sans cesse, remobiliser les États sur le projet européen. Dans les années 60, il y eut l’union douanière et la politique agricole commune. En 1978-1979, ce fut le Système monétaire européen. Dans la seconde moitié des années 80, l’achèvement du marché unique fournit cet élément d’impulsion dont a besoin la Communauté pour ne pas se dégrader en un simple mécanisme de gestion. De l’autre côté, celle-ci se fait en constante interaction avec l’extérieur ; depuis sa naissance, elle ne cesse d’être engagée dans un enchaînement de négociations avec les États européens non membres de la Communauté, les pays méditerranéens, les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (système de Lomé), les pays développés (au sein du Gatt) et désormais les États ex-socialistes d’Europe orientale. La Communauté est donc en permanence soumise à une multitude d’attentes. Pour les uns (États de l’Association européenne de libre-échange, États-Unis, Japon), il s’agit d’avoir ou de ne pas perdre accès à un marché de plus de 300 millions de consommateurs. Aux yeux d’autres (pays méditerranéens, africains, mais aussi est-européens), la Communauté, par sa richesse, est prometteuse d’aide. Ces pressions ne sauraient que proliférer.
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