Présentation
Le sujet de cette soirée est : « La péninsule indochinoise ». Il y avait des raisons pour ne pas faire ce choix et d’autres, au contraire, qui le dictaient. Il est vrai que l’attention est fixée aujourd’hui sur une autre partie du monde, mais pendant très longtemps l’actualité politique et stratégique a porté sur la région dont nous allons parler : comme il arrive fréquemment dans l’histoire, la page a été tournée.
Pourtant, des raisons très fortes nous ont conduits à choisir ce sujet. D’abord, le souvenir ; il n’y a pas lieu de le dissimuler : il y a en France une sensibilité particulière aux pays de la péninsule indochinoise pour les raisons historiques que nous connaissons tous. Il ne faut pas minimiser le poids d’un certain passé sur le souvenir de beaucoup d’entre nous, sur la mémoire collective de la France, qu’il s’agisse de la période coloniale ou de la guerre française d’Indochine, ou bien encore des réactions très fortes de l’opinion française, dans ses différents courants, à l’époque de la guerre américaine du Vietnam. L’accumulation de tant de souvenirs fait partie d’un passé qui nous appartient et qu’il n’y a pas lieu de rejeter.
Avec la distance qu’impose le temps, on porte un regard nouveau sur cette péninsule indochinoise : c’est la deuxième raison qui nous portait à choisir ce sujet. Certes cette région est importante par elle-même, quels que soient les liens affectifs ou intellectuels qui puissent nous y rattacher. Quels que soient aussi les épisodes du quotidien, la pression de l’actualité, le Sud-Est asiatique, dont la péninsule indochinoise est le centre, occupe sur la scène internationale une place que rien ne peut diminuer, par son poids démographique, par la portée stratégique de son destin, par sa place dans un univers où émergent de nouvelles activités internationales.
Cette importance justifiait qu’on lui consacrât cette soirée d’études et, bien entendu, se posera à cet égard la question du rôle que la France peut jouer. Enfin, il y avait aussi dans nos préoccupations le sentiment qu’il fallait rendre, dans nos études, la place qu’il convient à des secteurs, des domaines, qui ont été négligés par le courant des événements, par l’esprit du temps, et qui doivent normalement trouver place dans nos travaux.
L’ensemble de ces considérations a donc dicté notre choix. De la même manière, il nous a conduits à faire appel à des orateurs de grand renom. D’abord, nous écouterons M. Jean-Pierre Gomane, directeur des études du Centre des hautes études pour l’Afrique et l’Asie modernes ; tous ceux qui, à un moment ou à un autre, se sont intéressés à la péninsule indochinoise ont profité de ses travaux, hérités de ses leçons et pris en considération les analyses comme les recherches dont il a été l’auteur, le responsable ou le chef de file. C’est lui qui nous parlera du contexte général du Sud-Est asiatique, mettant à jour les connaissances que nous pouvons avoir de cette partie de l’univers.
M. Jean-Claude Pomonti, chroniqueur au journal Le Monde, qui est pour la plupart d’entre nous et une grande partie de l’opinion française l’une des principales sources d’information et de réflexion, traitera de l’évolution intérieure des États qui nous intéressent.
Enfin, nous entendrons le témoignage de M. Guy Georgy, ambassadeur de France, qui, après sa longue expérience africaine et proche-orientale, a eu le grand mérite de consacrer délibérément une partie de son temps à l’établissement de liens de type nouveau avec les pays de la péninsule indochinoise, en particulier le Vietnam, tirant à cette occasion des leçons dont il nous fera profiter.
Ces pays, l’attitude que nous avons eue, que nous aurions dû avoir à leur égard, ont été l’objet de longs débats en France et — pourquoi le dissimuler ? — de profondes divisions, de bien des déchirements à l’occasion des principaux épisodes de l’histoire contemporaine, notamment de la guerre mais aussi des événements qui ont suivi. Fallait-il ou non supprimer pendant si longtemps nos relations avec le Cambodge après la chute du régime des Khmers rouges ? Fallait-il, et à partir de quelle date, réengager une action significative de la France envers la péninsule indochinoise ? Autant de raisons supplémentaires pour le choix de ce thème, autant de raisons de nous en tenir à ce qui est ici notre règle, c’est-à-dire la sérénité des réflexions, l’objectivité des remarques et, pour autant qu’il nous soit possible, la lucidité des analyses. ♦