Dans notre livraison précédente, à l’occasion de l’étude faite par l'auteur sur les armes chimiques, nous annoncions son intention de nous faire part de ses réflexions sur le non-emploi de ces armes par Saddam Hussein lors de la guerre du Golfe. Voici ses hypothèses raisonnées et prudentes émises.
Pourquoi Saddam Hussein n'a-t-il pas employé l'arme chimique ?
La question, titre de cet article, mérite d’être posée et effectivement nombreux sont ceux qui la posent. Tenter d’y répondre est faire preuve d’imagination raisonnée ; ce qui va, ici, être exposé n’est donc que supputations et hypothèses, car aucun renseignement ne permet d’étayer des affirmations.
Saddam Hussein passait, avant le conflit, pour disposer de moyens chimiques notables. Contre l’Iran, il aurait utilisé l’ypérite. Contre les rebelles kurdes, il est accusé d’avoir fait usage de neurotoxiques. Il est considéré comme disposant de tabun et de sarin. L’Irak est signataire, depuis son accès à l’indépendance, de la Convention de Genève de 1925 qui en interdit l’emploi. Mais les enquêtes des commissions de l’Onu ont établi avec une quasi-certitude que des vésicants ont été utilisés au cours du conflit Iran-Irak. Sans doute, depuis lors, l’Irak, représenté par son ministre des Affaires étrangères, Tarek Aziz, a signé en janvier 1989, la déclaration de Paris de renonciation à l’emploi de l’arme chimique. Mais aussitôt après, Tarek Aziz a déclaré qu’en raison de la possession d’armes nucléaires par Israël, « il n’était pas réaliste de demander à un pays du Proche-Orient de renoncer à telle ou telle arme », ce qui revenait à déculpabiliser par avance tout contrevenant éventuel de cette région. Saddam Hussein, à plusieurs reprises, a fait état de menaces en ce sens. En conséquence, le commandement des coalisés et l’opinion s’attendaient à ce que celui-ci emploie l’arme chimique à un moment quelconque : soit lors de l’offensive aérienne initiale des coalisés, soit à l’occasion de ses propres attaques aériennes, contre des objectifs civils en Arabie Saoudite et en Israël, soit enfin contre l’offensive terrestre. Il ne le fit pas.
Recherchons les motivations qui, successivement ou conjointement, peuvent l’avoir détourné de le faire. La première raison à venir à l’idée est le fait que les coalisés avaient prévu une attaque chimique irakienne et s’étaient prémunis contre elle. La surprise, si importante pour l’emploi d’une arme dont l’effet psychologique est primordial, aurait donc totalement manqué. Les troupes alliées avaient accepté le handicap que constitue le port d’équipements spéciaux qui les mettaient initialement et pour un temps limité, mais certain, à l’abri. Elles avaient d’autre part utilisé les 5 mois écoulés entre le 2 août et le 15 janvier pour s’entraîner sérieusement.
Il reste 76 % de l'article à lire