Politique et diplomatie - Les États-Unis et le malentendu européen
L’histoire n’est jamais une table rase. Les ruptures majeures, les années zéro croient abolir le passé. Telle est l’ambition, ou l’illusion, des révolutions : le grand livre de l’humanité est à nouveau vierge, l’avenir est ouvert à tous les possibles. L’automne 1989, avec la disparition du rideau de fer et l’effondrement des régimes prosoviétiques, donna ce sentiment. L’Europe, objet des rapports internationaux depuis 1945, redevenait un acteur, ou plutôt la scène d’une pièce qui ne serait plus écrite par d’autres. Or, ainsi que l’a si bien analysé Tocqueville à propos de la Révolution française, les cassures accomplissent souvent des continuités, des mouvements de fond.
En ce qui concerne l’Europe, la fin de la parenthèse Est-Ouest (1945-1989) ne signifie pas que le fil cassé par la Seconde Guerre mondiale se renoue. Au cours du demi-siècle écoulé, l’Europe occidentale s’est installée dans sa situation de spectateur. Après tout, la période a été pacifique, prospère et heureuse. L’Allemagne, enfin « bonne », accédait à une tranquillité protégée. Quant à l’Europe orientale, de 1945 à 1989, elle retrouvait son sort d’avant 1919, elle redécouvrait que, déchirée par ses antagonismes ethniques, elle devait se soumettre au plus fort et éventuellement ruser avec lui. Aujourd’hui, toute une histoire se dégèle : haines nationales, mise en cause du partage territorial issu de la Première Guerre mondiale… L’histoire n’est pas faite d’un fleuve unique, mais du heurt de plusieurs couches d’événements. Ainsi en est-il des relations entre les États-Unis et l’Europe…
L’écroulement du système Est-Ouest, l’émergence confuse d’un nouveau paysage européen entraîneraient, semble-t-il, un bouleversement des relations euro-américaines et éloigneraient les deux rives de l’Atlantique. Or, au contraire, il y a plutôt réaménagement des liens existants : « plus ça change, plus c’est la même chose ».
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