1992 et les nouvelles données internationales
Au regard des relations internationales et des rapports stratégiques dans le monde, l’année 1991 s’inscrit exactement dans le prolongement de la précédente. Ainsi sommes-nous allés de la crise du Golfe à la guerre du Golfe, de la dislocation de l’ancien camp communiste au changement radical intervenu à l’Est de l’Europe, de la fin de la guerre froide, consacrée par les accords sur la réduction des forces conventionnelles conclus à Paris en novembre 1990, à la fin de l’Union Soviétique. Au sens propre, c’est d’une révolution qu’il s’agit, aussi importante que celle qui se produisit en Russie en 1917 et dont les conséquences se firent sentir durant plusieurs décennies. On comprend que de si vastes changements aient déconcerté beaucoup d’observateurs, parmi les plus influents et les plus à la mode, au point que, trop longtemps, ils refusèrent d’y croire ; c’est que les certitudes dont ils s’inspiraient, les notions qu’ils tenaient pour acquises, les habitudes de penser dont ils étaient prisonniers, étaient radicalement mises en cause.
Pour l’essentiel, en effet, on s’était accoutumé, après la Seconde Guerre mondiale, à privilégier l’existence de deux blocs que l’on identifiait à deux idéologies différentes ou même opposées. Au sein de chacun d’eux, les contradictions s’effaçaient, les spécificités nationales étaient gommées, les anciennes frontières perdaient de leur importance : tout était subordonné au « grand schisme » qui avait coupé le monde en deux suivant l’appartenance des États, des partis et des hommes à l’une ou l’autre idéologie. Une école de pensée dominante rattachait à cette ligne de partage fondamentale les moindres conflits survenant dans tous les coins de la terre, soit qu’ils aient opposé directement les deux camps, soit que ceux-ci y aient pris leur part, chacun voulant limiter l’expansion de l’autre ou s’étendre à son détriment.
Ce que l’histoire récente a rappelé, tout au contraire, c’est la précarité des lignes de partage idéologiques, la faible emprise des idéologies elles-mêmes sur une longue période, leur évanouissement irrémédiable sous le choc des réalités. Par-dessus tout, c’est le resurgissement inexorable des réalités nationales. On aurait dû le voir depuis le divorce sino-soviétique qui en était une éclatante manifestation. On aurait pu le percevoir, sans hésitation, lors des crises qui secouèrent tout l’Est de l’Europe en 1989. Nul ne le conteste aujourd’hui, alors que l’Union Soviétique elle-même, minée par sa faillite économique, a succombé au déferlement des nationalismes. La leçon des faits est si claire que tout le monde l’admet désormais et, même si l’on peut croire qu’un jour renaîtront des utopies qui se voudront libératrices ou conquérantes comme il est arrivé périodiquement au long de notre histoire, c’est bien la prépondérance des réalités nationales qui est aujourd’hui le trait le plus marquant de la scène mondiale.
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