L’auteur, professeur à l’École spéciale militaire (ESM) de Saint-Cyr–Coëtquidan et chargé de mission auprès du directeur de l’Institut français des relations internationales (Ifri), nous donne son opinion sur le programme américain de protection contre des frappes limitées (GPALS), dont il estime que la mise en place pourrait provoquer une fracture Nord-Sud, et en tout cas ne diminue en rien les risques de prolifération balistique, nucléaire et chimique.
La protection globale contre les frappes limitées (GPALS) et la stratégie américaine
Le 23 mars 1983, Ronald Reagan lance l’Initiative de défense stratégique. L’opération poursuit alors trois objectifs majeurs : d’abord, traiter un malaise qui s’est installé outre-Atlantique depuis que le territoire des États-Unis peut être atteint par le feu nucléaire adverse ; puis ouvrir devant Moscou l’abîme d’une nouvelle étape de la course aux armements ; renforcer enfin la prééminence politique et technologique de Washington sur son propre camp. Même si elle n’a pas terrassé l’URSS, l’IDS demeure la plus brillante image des potentialités financières et techniques américaines, et par contrecoup le révélateur du trompe-l’œil de la puissance soviétique.
Une orientation nouvelle du programme IDS apparaît au tournant des années 1988 et 1989, officiellement confirmée par George Bush dans son discours sur l’état de l’Union de 1991. Hier, Reagan voulait intercepter un tir massif de missiles balistiques soviétiques ; on s’oriente désormais vers l’arrêt de frappes limitées. À l’aide d’intercepteurs basés au sol ou dans l’espace, il deviendrait possible de protéger, au-delà d’un théâtre d’opérations limité, le territoire des États-Unis, ou des espaces alliés ou amis de ces derniers. Le fameux programme GPALS — Global protection against limited strikes — de protection globale contre des frappes limitées vise désormais à traiter les hypothèses de tirs erratiques de puissances nucléaires mal maîtrisées, ou de nouveaux acteurs nucléaires du Tiers Monde, jugés peu fiables quant à leur rationalité stratégique.
Comme souvent, l’histoire paraît venir à la rencontre des choix techniques. La guerre de 1991 contre l’Irak a donné du crédit à deux types de menaces, susceptibles de venir du Sud : le balistique et le nucléaire. Peu importe que cet « héritage » de guerre soit largement discutable. Que l’Irak ait tangenté le seuil nucléaire ne signifie pas qu’il fût pour autant et immédiatement devenu une puissance nucléaire ; quant aux Scud, ils rappellent plus les V2 de la Seconde Guerre mondiale que les plus grossiers des missiles aujourd’hui détenus par une puissance nucléaire. Demeure la perception de menaces nouvelles, que les images télévisées américaines ont illustrées, et que les incertitudes sur l’avenir de l’ancienne puissance nucléaire soviétique sont venues, quelques mois plus tard, renforcer.
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