L'auteur, professeur à l'Institut des hautes études internationales de Genève, politologue et spécialiste de la Conférence sur les mesures de confiance et de sécurité en Europe, fait le bilan de la CSCE avec beaucoup d'objectivité, montrant sa déception concernant certains domaines d'activité. C'est pourquoi il propose, dans sa conclusion, des mesures qu'il serait souhaitable de prendre pour revigorer cette institution.
La fuite en avant de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE)
Depuis son institutionnalisation par la Charte de Paris (novembre 1990), la CSCE est entrée dans une phase d’évolution continue du fait des décisions adoptées sans trêve par le Conseil des ministres des Affaires étrangères (CMAE) et le Comité des hauts fonctionnaires (CHF) (1). Le nombre et la variété de ces décisions ainsi que le rythme de leur production sont tels qu’il est très difficile de donner une image globale cohérente du kaléidoscope politico-institutionnel qu’est devenu aujourd’hui le processus d’Helsinki. Celui-ci se trouve emporté par ce qui ressemble fort à une fuite en avant. En effet, en réponse aux défis, périls et conflits qui affectent l’Europe postcommuniste, la CSCE ne semble vouloir ou pouvoir réagir que par des mesures de type organisationnel tendant à accroître la complexité de ses propres structures, ou par des mesures pseudo-opérationnelles donnant l’illusion du mouvement. Les dernières décisions en date du CMAE (Stockholm, 14-15 décembre 1992) et du CHF (Prague, 2-4 février 1993) relèvent bien de cette fuite en avant.
L’adoption de mesures complexes d’organisation
Les dispositions de la Charte de Paris avaient métamorphosé la CSCE — alors processus pragmatique de négociations continues — en une organisation internationale permanente caractérisée par trois traits majeurs : l’absence de fondement juridique (dictée par la volonté de ne pas rigidifier un instrument dont le pragmatisme avait été jusque-là la vertu cardinale), l’absence de structures centralisées (en vue d’éviter l’émergence d’une bureaucratie internationale de type onusien) et l’absence de mécanismes opérationnels (motivée par le souci de la plupart des Occidentaux de préserver l’avenir de l’Otan).
Pertinentes au moins jusqu’à la mi-1991, ces différentes considérations ont cessé d’avoir cours : les États participants ont plus ou moins tous fini par prendre conscience que la CSCE ne pouvait devenir un instrument à la fois crédible et efficace sans plonger quelque peu ses racines dans le terreau du droit international, sans posséder des structures administratives centralisées et sans disposer de mécanismes opérationnels. C’est dans cet ordre d’idées qu’il convient d’apprécier les décisions prises lors des réunions de Stockholm et de Prague.
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