Présentation
Nous sommes ici réunis pour une soirée d’études comme le Comité d’études de défense nationale et la revue Défense Nationale en ont organisé régulièrement depuis qu’elles ont été instituées par l’un de mes prédécesseurs, l’amiral Duval. Nous l’avons fait jusqu’ici avec la collaboration de la Fondation pour les études de défense nationale (FEDN) que présidait M. Pierre Dabezies. Cette institution a cessé ses activités, mais nous avons cru devoir assurer la continuité de ces journées et soirées d’études, et notre conseil d’administration a choisi de consacrer celle-ci aux rapports entre les technologies et les conflits.
Nous sommes conscients de l’ambition que nous manifestons ainsi, une ambition extrême car, dans la réflexion sur la défense, l’introduction des données concernant les développements de la technologie est en lui-même un problème considérable. Chacun d’entre nous, par l’expérience de la vie et le cas échéant par celle de la guerre, a pu réaliser directement, j’allais dire vitalement, la complexité de ce sujet, puisque nombreux sont ceux qui ont été, d’une manière ou d’une autre, impliqués dans des conflits où la participation des technologies, leur poids, leur importance variaient, en fonction des types de conflits, des conjonctures politiques, stratégiques, militaires, humaines aussi. Ceux, par exemple, qui se souviennent de la guerre d’Indochine, de celle d’Algérie, ou encore des conflits que certains d’entre nous qui écrivent sur les affaires stratégiques qualifient, par une expression peut-être malheureuse, de « basse intensité » — ce qui ne veut pas dire naturellement que ceux qui en meurent le vivent ainsi — ont pu y mesurer le poids relativement faible des technologies ; et voilà tout à coup qu’est apparu un autre conflit local, régional, mettant en œuvre de formidables moyens mobilisés et organisés à l’échelle du monde : ce fut la guerre du Golfe qui a montré l’importance extraordinaire de l’introduction des technologies dans les opérations.
Ce sont autant de données qui nous incitaient à réfléchir à cet égard ; d’abord, dans le contexte technologique nouveau, dans le contexte stratégique nouveau aussi : je veux dire par là que la réflexion sur les technologies et les conflits doit se situer dans la phase actuelle de l’histoire des relations stratégiques internationales. Elle doit incorporer l’impératif de la limitation des armements, éventuellement celui du désarmement lui-même, mais aussi le développement de certaines technologies par rapport à d’autres, certaines voies nouvelles de développement ou d’accès à la puissance. D’autre part, l’importance même des technologies dans les perspectives de conflit ou dans leur conduite a naturellement poussé à en faire du même coup un des éléments de la compétition internationale, un des facteurs des relations stratégiques internationales elles-mêmes, et ce deuxième aspect est naturellement fondamental pour notre réflexion.
Enfin, il convenait de tirer de l’ensemble de ces données des conclusions — ou une première approche de ces possibles conclusions — quant au poids, à la présence, à l’influence et à l’importance des technologies dans la perspective des conflits contemporains ou futurs, et la réflexion prend alors un caractère proprement stratégique. C’est pourquoi nous avons organisé cette soirée d’études en trois volets principaux. Le premier, concernant les technologies dans le contexte stratégique actuel, est traité par M. Claude Weisbuch, directeur scientifique à la Direction des recherches, études et techniques (Dret) ; le deuxième, la compétition technologique internationale, sera abordé par M. Pierre Faurre, président-directeur général de Sagem-SAT ; le troisième enfin, les niveaux technologiques et types de conflits, sera évoqué par le général de corps d’armée François Bresson, directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale. ♦