Tribune libre - Réflexions sur la Communauté européenne de Défense
Le traité signé à Paris le 27 mai 1952 est né de la réaction provoquée en France par la décision de réarmer l’Allemagne prise par 10 voix contre une au Conseil de l’Atlantique de septembre 1950 et du désir de limiter au maximum les dangers qui pourraient en résulter.
C’est cette dernière préoccupation qui a dominé sa conception et sa rédaction. Elle est à l’origine d’un excès d’intégration et de contrôle qui nuira au bon fonctionnement des institutions projetées. Il est alors curieux de constater que l’une des principales objections opposées au traité a consisté à le présenter comme devant fatalement devenir un instrument d’hégémonie militaire allemande et que les tenants de cette opinion en arrivent à lui préférer le risque que l’on voulait précisément éviter, la reconstitution d’une Wehrmacht indépendante et fatalement incontrôlée.
Les adversaires de tout réarmement allemand sont plus logiques avec eux-mêmes quand ils considèrent que le péril essentiel reste en Allemagne. C’est la thèse, intéressée, des communistes, mais c’est aussi celle de beaucoup d’excellents Français qui réalisent difficilement les modifications capitales intervenues dans la notion même de défense nationale, du fait de l’apparition du totalitarisme soviétique. Nous avons été élevés, nous avons vécu et combattu dans l’idée que notre indépendance et notre existence nationales exigeaient que nous soyons toujours prêts à défendre nos frontières et nos territoires contre les entreprises d’un agresseur étranger. C’est dans ce dessein que nous avons créé, entretenu, mobilisé et fait combattre nos armées et que, contre l’envahisseur, tout le pays, à part quelques traîtres, faisait bloc. Aujourd’hui, ce ne sont plus nos frontières et nos territoires qui sont menacés, mais notre civilisation, notre culture, notre pensée, notre conception de l’homme et de sa dignité — les droits de l’individu dans la nation, en un mot notre liberté ou, si l’on préfère, nos libertés. Elles le sont par les théories et les systèmes philosophiques qui animent les régimes totalitaires et qui tendent à faire de l’homme un robot au service d’un État Moloch, monstrueux et tyrannique.
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