Voici bien longtemps que notre revue n’avait traité de l’Afrique du Sud, et pourtant que de bouleversements s’y sont produits ces dernières années ! Voici un article de synthèse remarquable sur cette région qui joue un rôle important dans la stratégie mondiale. Les auteurs ont séjourné en république d’Afrique du Sud au cours de l’été 1993 et ont eu de nombreux contacts avec de hautes personnalités qui ont bien voulu leur donner de précieuses informations.
L'Afrique du Sud et son environnement stratégique
Selon les critères désormais classiques de Raymond Aron, l’Afrique du Sud a tous les traits d’une grande puissance en Afrique : économie post-industrielle s’appuyant sur des richesses naturelles exceptionnelles, armée surdimensionnée, capacité nucléaire réelle, situation géostratégique à la pointe du continent, potentiel humain de qualité, capacité d’influer sur les événements régionaux. Les statistiques le confirment. La république d’Afrique du Sud (RAS), avec seulement 6 % de la population subsaharienne et 4 % de la surface de l’Afrique, produit 52 % de l’électricité, 83 % de l’acier, 97 % du charbon, transporte 69 % du fret ferroviaire, possède 32 % du parc automobile et 45 % des routes asphaltées du continent (1).
Les atouts d’une puissance continentale
La RAS bénéficie à la fois d’une position géostratégique de première importance et de ressources naturelles considérables qui font d’elle une puissance économique et militaire sur le continent africain.
Un point de passage obligé entre Europe et Asie
Depuis l’époque des grandes découvertes, le cap de Bonne-Espérance et sa région, points de passage obligés pour contourner l’Afrique, ont été considérés comme des relais stratégiques sur la route des Indes. Les Hollandais ont vite compris tout l’intérêt qu’il y avait à développer cette région pour approvisionner en denrées fraîches les navires de la Compagnie des Indes orientales. Ainsi, la ville du Cap est-elle fondée en 1652 par Jan van Riebeeck. À partir de 1815, la colonie du Cap passe sous contrôle britannique, devenant ainsi un nœud vital dans le dispositif maritime de l’Empire britannique tourné vers l’Inde. Le creusement du canal de Suez réalisé en 1869 diminue l’intérêt stratégique de la route du Cap en raccourcissant la distance vers les Indes. Avec l’exploitation des gisements de pétrole du Proche-Orient, le canal de Suez devient l’axe principal du trafic océan Indien-Méditerranée. Cependant, l’instabilité de cette région rend peu sûr l’approvisionnement de l’Europe, si bien que lorsque le canal de Suez est fermé de 1967 à 1975, on en revient tout naturellement à la route du Cap. En 1974, sur 773 millions de tonnes de pétrole venant du Proche-Orient, 644 millions (83 %) passaient par Le Cap (2). D’autre part, le conflit Est-Ouest revalorise, pour l’Occident, la position stratégique de la RAS, seul pays non communiste de l’Afrique australe à la fin des années 70.
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