Le progrès technique nous conduit-il vers des guerres entre robots ou bien donne-t-il simplement une forme nouvelle à l’éternelle guerre des hommes, dans laquelle un fantassin peut désormais « tuer » un char ou un avion avec un missile tiré à l’épaulé, mais où il peut toujours mourir d’une simple balle ? C’est à cette question que tente de répondre l’auteur, directeur au sein de l’Otan du centre technique chargé de l’étude des « munitions à risques atténués ».
Guerre des armes ou guerre des hommes ?
« Les défis et les risques auxquels l’Otan est confrontée dans le domaine de la sécurité ne sont pas de même nature que par le passé », constataient les chefs d’État réunis à Rome en novembre 1991 à l’occasion d’un sommet de l’Otan. Deux ans après l’effondrement du mur de Berlin, ils ne risquaient guère d’être contredits, mais ils allaient au-delà de ce truisme en tentant de définir les nouvelles menaces à prendre en compte et les matériels nécessaires à les contrer, tels que des missiles antimissiles, des systèmes de renseignement et des moyens logistiques appropriés. En revanche, en ce qui concerne les hommes, ils notaient simplement que « nos forces armées s’adapteront à leurs nouvelles missions en devenant moins nombreuses et plus souples ».
Deux ans plus tard encore, à l’occasion d’un nouveau sommet de l’Otan en janvier 1994 et dans de nombreux débats en France sur les questions militaires — rapport du commissariat général au plan sur les armements, Livre blanc sur la défense, loi de programmation militaire — ce sont toujours les considérations politico-industrielles qui prédominent dans les débats. Cela traduit la permanence dans les raisonnements stratégiques de cette tendance générale qui consiste à assimiler les besoins de la défense à ses besoins en matériels, au point de ramener quelquefois ces raisonnements à de simples considérations industrielles.
Cela découle certes d’une certaine logique car il est indiscutable que les matériels ont pris une place déterminante durant la Deuxième Guerre mondiale, plus encore durant la guerre froide, enfin dans le conflit du Koweït : « Si le champ de bataille qu’il nous faut prendre en compte aujourd’hui est tellement différent de celui de 1940, ce n’est pas que la géographie ait changé ni que la topographie se soit modifiée, c’est avant tout le résultat d’une évolution technologique », déclarait le ministre de la Défense français en inaugurant en 1983 les premières journées « Science et défense ».
Il reste 87 % de l'article à lire