Chargée de recherche au Centre de recherches et d’études sur les stratégies et les technologies (Crest) de l’École polytechnique, l'auteure nous apporte une étude particulièrement intéressante sur la politique militaire de la république d’Ukraine. Ce nouvel État se heurte à une dure réalité : la souveraineté requiert une économie forte, et en fait, comme toute l’ex-URSS, le pays est en faillite ; la priorité est donc donnée à la « sécurité économique ».
Souveraineté et puissance militaire de l'Ukraine
Depuis novembre 1993, le Parlement ukrainien est allé de concession en concession dans le domaine nucléaire, de la ratification conditionnelle du traité Start I à une position plus favorable à une adhésion éventuelle au traité de non-prolifération (TNP). En janvier 1994, il a officiellement renoncé, en vertu d’un accord tripartite avec les Russes et les Américains, à la totalité de son arsenal nucléaire, moyennant assurances quant à sa sécurité et compensations financières. Ces événements imposent une réflexion sur l’Ukraine en tant que puissance militaire. Qu’en est-il de l’état des forces armées et de leur organisation un peu plus de deux ans après que la deuxième, en importance, des républiques soviétiques eut décidé, à la surprise de la communauté internationale, de prendre le contrôle des troupes soviétiques déployées sur son territoire ?
Genèse de l’armée ukrainienne
Le trouble manifesté à la fin d’août 1991 par la communauté internationale face à la soudaine audace de l’Ukraine dans le domaine militaire était compréhensible, compte tenu de la relative modération dont elle avait auparavant fait preuve dans ses relations avec les autorités centrales soviétiques. Jusqu’au putsch avorté d’août 1991, en effet, la République soviétique ukrainienne avait fait figure de « bastion de la stagnation ». Son mouvement nationaliste semblait peu vindicatif au regard des formations politiques analogues dans les autres républiques occidentales de l’URSS. États baltes et Géorgie avaient d’ailleurs devancé l’Ukraine dans l’élaboration d’une défense autonome.
L’Ukraine en quête d’identité : l’élaboration d’une politique militaire
Pourtant, le mouvement nationaliste ukrainien, fort de son succès aux législatives de mars 1990, avait obtenu du Parlement qu’il inscrive dans la Déclaration de souveraineté (16 juillet 1990) le droit de créer une armée nationale ; celui-ci figurait d’ailleurs dans les programmes de la plupart des formations de la mouvance nationaliste ukrainienne. En fait, dès la fin des années 80, les Ukrainiens attachés au projet d’une Ukraine libérée de la tutelle soviétique lient la viabilité d’un État indépendant à sa capacité d’accéder au statut de puissance militaire. Avant même que le pays proclame son indépendance, le 24 août 1991, des mesures ont été prises afin de concrétiser cet espoir, comme la création, le 26 février 1991, d’une commission parlementaire chargée des questions de sécurité externe et interne et censée préparer une base légale pour la mise en œuvre d’une politique militaire nationale.
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