C'est le Premier ministre, M. Édouard Balladur, qui lança, en 1993, l'idée d'un pacte pour la stabilité en Europe. Un an plus tard, une conférence préparatoire se tenait à Paris. L'auteur, professeur à l'Institut des hautes études internationales de Genève, nous présente les résultats auxquels a abouti cette conférence, qui n'a que peu abordé les questions les plus délicates : celle des frontières et celle des minorités nationales ; en somme, un bilan en demi-teinte, pendant que les populations de l'ex-Yougoslavie continuent à se déchirer.
Vers un pacte de stabilité en Europe
Lors de son discours d’investiture à l’Assemblée nationale en avril 1993, M. Édouard Balladur lança l’idée d’un « pacte pour la sécurité et la stabilité en Europe ». Partiellement motivée par certaines considérations de politique intérieure, cette initiative ne se situait pas moins dans le droit fil de l’inspiration qui avait poussé la France à lancer un projet de confédération européenne (1989), puis de traité de sécurité entre les États de la CSCE (1992). Adopté par le Conseil des ministres du 9 juin 1993, le « projet Balladur » ignorait alors, aussi curieusement que superbement, l’existence de la CSCE. Délesté de sa référence au concept de « sécurité », il fut peu après endossé par l’Union européenne : lors du Conseil européen de Copenhague (21-22 juin 1993), les Douze approuvèrent le principe d’un pacte de stabilité (1) et mirent aussitôt à l’étude les modalités d’une conférence préparatoire. Arrêtées après de laborieuses consultations officieuses avec les pays tiers intéressés, ses modalités furent rendues publiques à l’issue du Conseil européen de Bruxelles (10-11 décembre 1993). Groupant des représentants d’une cinquantaine de pays ainsi que de cinq institutions internationales (Onu, CSCE, Otan, UEO, Conseil de l’Europe), la conférence tint ses assises les 26 et 27 mai 1994 à Paris. On analysera ici la problématique du pacte avant d’évaluer les résultats de la conférence inaugurale et de s’interroger sur l’avenir du processus.
La problématique du Pacte de stabilité
Le projet portant désormais l’estampille de l’Union européenne visait, comme suggéré par la France, trois grands objectifs. D’abord, il s’agissait de faciliter l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale (Peco) disposés à régler au préalable leurs problèmes bilatéraux de frontières et de minorités nationales par voie de négociation directe et avec l’aide active de l’Union elle-même ; cela aurait l’avantage de donner aux pays concernés l’assurance que leur candidature ferait l’objet d’un examen préférentiel et d’éviter à l’Union d’introduire inconsidérément en son sein de nouveaux membres dont les problèmes propres constitueraient pour elle une source de grave instabilité. Ensuite, il s’agissait d’offrir aux Douze l’occasion d’étrenner la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), dont la France avait précisément été l’artisan principal lors de la négociation du traité de Maastricht. Enfin, il fallait permettre à l’Union européenne de contribuer à la stabilisation de la grande Europe par le biais d’un exercice original de diplomatie préventive susceptible d’éviter l’éclatement de conflits du type de ceux ayant provoqué la tragédie yougoslave.
Quant à la méthode envisagée pour l’élaboration du pacte de stabilité, elle avait le mérite de la modestie et du pragmatisme : elle impliquait le lancement de l’entreprise par une conférence préliminaire décidant la mise sur pied de « tables rondes » multilatérales chargées d’encadrer des discussions bilatérales. Le pacte proprement dit devait être la somme des accords bilatéraux avalisée par la garantie politique des Douze et des autres États tiers impliqués. On précisera que le terme « pacte » fut retenu « par référence à la notion de pacte social qui a joué un si grand rôle dans la philosophie politique française » (Édouard Balladur) et, de surcroît, en raison de sa connotation « antidiktat » (François Mitterrand) dans une Europe désormais libérée de l’oppression communiste. Quoi qu’il en soit, le projet de pacte suscita d’emblée, de la part des Peco ainsi que des États-Unis et de la Russie, de nombreuses réserves ou critiques. Celles-ci portèrent surtout sur le champ géographique du pacte, ses thèmes centraux et son lien avec la CSCE.
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