Cette étude introduit et définit une notion nouvelle : la dissuasion « duale » permettant l'introduction de systèmes d'armes mixtes – non nucléaires et nucléaires – dans la doctrine de la dissuasion.
Dissuasion « duale » et Livre blanc
« J’entends parfois dire qu’il faudrait employer la force atomique non pas du faible au fort… mais du fort au faible. Le faible dans ce cas, ce peut être d’autres que nous, ce peut être des pays qui n’ont pas la force atomique. La réponse, ce serait l’emploi du nucléaire contre le faible ou le fou… Je m’opposerai(s) à ces nouveaux risques de dérive ». Lors de son intervention sur la dissuasion nucléaire française, le 5 mai 1994 à l’Élysée, le président de la République a qualifié d’hérésie cette perspective d’emploi du nucléaire contre un faible ou un fou. Certes ; chacun reconnaîtra toutefois que l’humanité n’a cessé de sécréter des dirigeants avides, possédés d’obsessions folles, démesurées, qui ont souvent — trop souvent — été à l’origine de cyclones dévastateurs. Dans le nouveau contexte géostratégique qui se profile, les motifs d’intransigeance liés au remodelage de l’Europe ne manquent pas. On peut craindre que certains meneurs, parmi les plus impuissants à se faire entendre ou les plus échauffés, prennent des risques extravagants, entraînant leur environnement avec eux, s’ils attachent à la prise en compte de leur ambition, voire plus simplement à la reconnaissance de leur existence, un prix au moins égal à celui de leur survie.
S’il s’y ajoute une vitalité ethnique ou religieuse intolérante, on peut imaginer le pire. Il n’y a qu’à observer ce qui se passe aux abords est et sud de l’Union européenne où le recours à la violence armée et à la terreur sanguinaire, sans aucun confinement, est considéré par tous comme un préalable obligé à toute négociation, que l’Onu se soit engagée ou non.
Du ferme au raide, au violent, au malfaisant
Comment rester ferme en face de plus faibles, sujets à des accès de colère ou de rage froide, de hargne plus ou moins contrôlée, raides, intraitables, adeptes de la course à la folie existentielle ? Bien que le président de la République ait ajouté : « À vrai dire, les armes conventionnelles pourraient suffire dans un cas de ce genre », il n’a point ébauché les grandes lignes de ce que pourrait être une dissuasion sans nucléaire : ce n’était pas le sujet de son intervention. Or dans ce domaine, le Livre blanc est catégorique : il affirme qu’il est illusoire et dangereux de prétendre que certaines technologies classiques perfectionnées pourraient avoir pour effet, comme les armes nucléaires, d’empêcher la guerre. Ses auteurs précisent que cela ne signifie pas pour autant qu’un nouveau rôle pour les moyens non nucléaires ne soit à préciser. Est-ce que l’on peut interpréter cette ouverture comme une possibilité d’aboutir à un concept aidant au désamorçage d’une crise aiguë, par exemple par une démarche amorcée en non-nucléaire et menée sur les mêmes bases conceptuelles que la dissuasion nucléaire ?
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