Ainsi que nous l'avions fait remarquer précédemment, les « références » des Asiatiques, en particulier des Chinois, n'ont rien à voir avec celles des Occidentaux : leur conception des droits de l'homme n'est pas du tout la même que la nôtre ; quant à la démocratie, elle pourrait bien être considérée par eux comme un système, sinon décadent, tout au moins inefficace. L'auteur nous présente parfaitement la position de ce pays sur ces délicates questions.
Chine : droits de l'homme et démocratie
Au printemps 1989, des centaines de journalistes venus à Pékin pour couvrir l’événement de la réconciliation sino-soviétique ont été les témoins d’un mouvement contestataire en faveur d’une plus grande liberté d’expression et de réunion place Tiananmen. Cette manifestation d’étudiants cristallisa très rapidement tous les mécontentements liés aux effets pervers de la réforme économique entreprise par Deng Xiaoping dix ans auparavant : inflation, corruption, disparité des revenus, insécurité de l’emploi. Le spectre de l’éclatement social et la préservation de l’unité politique de la Chine ont conduit les dirigeants à réprimer le mouvement par la force armée dans la nuit du 3 au 4 juin 1989. L’Occident découvrait alors les réalités du régime autoritaire de Pékin. Le choc fut d’autant plus grand pour l’opinion publique occidentale que tout au long des années 80 l’ensemble de la presse avait véhiculé l’idée de la « libéralisation » du régime. L’Occident avait alors le vague sentiment que la Chine de Deng Xiaoping tendait à se conformer aux régimes démocratiques.
Cette crise intérieure survint dans un contexte international en pleine évolution. La chute du mur de Berlin au mois de novembre 1989 et la fin du régime communiste roumain avec l’assassinat de Ceausescu au mois de décembre marquaient en effet le début de l’effondrement du système communiste. En 1991, la fin de l’empire soviétique, et en corollaire du système bipolaire, a conduit les pays occidentaux à mettre en œuvre un ordre international largement fondé sur la promotion des droits de l’homme et de la démocratie, partant du constat qu’une démocratie n’a jamais représenté une menace pour une autre. L’Occident renouait ainsi avec l’idée, chère aux rédacteurs de la Charte des Nations unies, que la paix internationale est liée au sort des hommes dans l’ordre interne des États.
Deux ans après les événements de la place Tiananmen, cette évolution majeure des relations internationales fut perçue par Pékin comme une menace à la stabilité et à l’unité de la Chine, comme l’expression d’une nouvelle forme de domination occidentale, et plus particulièrement des États-Unis, sur le reste du monde. Il convient donc tout d’abord de définir dans quelle mesure la politique américaine de promotion des droits de l’homme et de la démocratie constitue une menace pour Pékin. Nous verrons ensuite quelles ont été les réponses de la Chine à ce qu’elle considère comme un nouveau type de menace, et enfin comment s’est progressivement constitué, à partir de 1989, un consensus asiatique sur la question des droits de l’homme et de la démocratie.
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