Parmi les livres - Les machines de l'apocalypse
Frappante est la prolifération des livres qui ont pour sujet… quoi donc ? Dès le départ, nous sommes en quête de définition, si nous voulons éviter le concept racoleur et vague d’autoroutes de l’information. Ce qui occupe les quatre auteurs (1) que nous avons choisis, ce qui les enthousiasme ou les désespère, c’est la rencontre fructueuse de l’informatique et des télécommunications. Les deux technologies ont pour objet l’information, traitée ou véhiculée : télématique, disent certains, dont les outils sont les machines relationnelles.
C’est en compagnie d’Albert Bressand et Catherine Distler que l’on conseillera de se mettre à l’eau (2). Ces deux éminents spécialistes réussissent en effet à masquer leur compétence sous un style simple, agréable et pimenté d’humour. Leur propos est précis, et centré sur l’économie. Sur ce sujet restreint, il y a beaucoup à voir, et à méditer. Tout a commencé avec le chemin de fer et le télégraphe, innovations dont le charme vieillot nous fait oublier l’importance ; mais cette première révolution « relationnelle » marchait, au mieux, comme le vent ; la seconde, qui est en cours, va comme la lumière. De cette vitesse indépassable résulte la rupture, dont nous sommes à la fois bénéficiaires et victimes.
Les caissières des « grandes surfaces » pointent au scanner les « codes-barres » des articles choisis par la ménagère. Instantanément et continûment transmise, l’information recueillie va mettre le commerce à l’envers : hier on vendait le « déjà-produit », demain on produira le « déjà-vendu ». Les machines relationnelles, pour reprendre l’expression des auteurs, ont bien d’autres effets que ce petit exemple. Rien n’échappe à leur dictature : elles bouleversent le système hiérarchique auquel nous étions habitués depuis que le monde est monde et que les hommes besognent à y mettre de l’ordre. Les réseaux, dont Internet est la synthèse, n’ont que faire d’une autorité centrale. La machine relationnelle n’appartient à personne et « peut être mobilisée à l’initiative de chacun des utilisateurs ». Non sans perspicacité, Albert Bressand et Catherine Distler décèlent là un écho de « mai 68 ». En Californie, les hippies de Sausalito se sont reconvertis dans la compétition électronique. Un mouvement militant émerge en Amérique : les Hackers (Heroes of the Computer Revolution) luttent pour une totale liberté des espaces informatiques, piratant sans vergogne les réseaux au nom de l’anarchie créatrice.
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