Nathalie Hoffmann, dans notre livraison de décembre 1995, avait dressé une liste des pays d’Asie-Pacifique ayant exprimé leur position sur la prorogation du traité de non-prolifération nucléaire. Dans l’article qui suit, elle fait le point sur les zones dénucléarisées en Asie : réalité et projets. Point trop d’optimisme nous semble de rigueur.
Les zones dénucléarisées en Asie
La question des zones dénucléarisées, puis la création de nouvelles zones dotées de ce statut, constituent une affaire ancienne puisqu’elle remonte aux années 50. Tout d’abord relativement limitée géographiquement et touchant même essentiellement l’Europe, elle a rapidement concerné d’autres régions dans le monde. On estime en effet, dès cette époque, que l’institution de zones dénucléarisées contribuerait à la sécurité et à la stabilité régionales, et que la perspective d’une utilisation d’armes nucléaires contre les pays de ces zones serait également réduite.
La crainte ressentie par certains États, au cours des années 60 et 70, de voir quelques-uns de leurs voisins acquérir ou autoriser le déploiement d’armes nucléaires sur leur sol (ou bien d’y autoriser les essais, comme ce fut un temps le cas pour l’Australie), aida sans doute à développer les propositions tendant à créer des zones exemptes d’armes nucléaires. La première zone à montrer de l’intérêt fut l’Amérique latine et les Caraïbes, dans le contexte tout particulier de l’après-crise de Cuba d’octobre 1962 ; dès 1963 en effet, cinq des pays de la région convenaient de la nécessité d’arriver à un accord de ce type (1) ; ils y parvinrent en 1967. D’autres propositions similaires furent lancées, en Afrique notamment sous l’égide de l’OUA en 1964, mais il fallut attendre 1990 pour que le projet soit repris par la communauté des États de l’océan Indien avant d’être étendu à l’Afrique du Sud et à ses voisins. Il y eut également une proposition de zone dénucléarisée pour le Proche-Orient faite par le shah d’Iran en 1974 et justifiée par la diffusion rapide de la technologie nucléaire dans cette région ; là par contre, on ne parvint pas à un accord du type Tlatelolco. L’Asie fut largement concernée, c’est ce que nous allons voir.
On étudie donc la possibilité de créer des zones bénéficiant de ce statut dans le Pacifique depuis les années 60, dans l’océan Indien et en Asie du Sud-Est depuis 1971, en Asie du Sud depuis 1974, en Asie du Nord-Est seulement depuis le début des années 80. Force est cependant de constater qu’il n’y a eu, jusqu’à présent, que peu de résultats dans ce domaine et que, même au niveau mondial, il n’existe encore qu’un nombre limité de zones dénucléarisées : Amérique latine-Caraïbes avec le traité de Tlatelolco, l’Antarctique avec le traité du même nom, le Pacifique Sud avec le traité de Rarotonga. Des accords ont également été conclus concernant l’espace extra-atmosphérique, la lune et les autres corps célestes, ainsi que les fonds marins. L’Assemblée générale a, quant à elle, adopté des résolutions comme, par exemple, celle encourageant la non-implantation d’armes nucléaires sur le territoire des États où il n’y en a pas, dans le but d’ouvrir le maximum de possibilités aux efforts en faveur d’un désarmement global.
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