L’actuelle réforme des armées supprime l’appel des jeunes Français au service national, réduit de ce fait le recrutement des réserves et détruit le quadrillage militaire du territoire institué par la loi de 1873. Une telle innovation procède de la volonté d’intervenir rapidement hors de nos frontières avec des effectifs entraînés et des matériels adaptés. Il faut louer ce programme offensif.

Cependant, qui va se soucier de la défense de la France ? Certes, en 1793 après le démantèlement des forces royales, en 1942 après la dissolution de l’armée d’armistice, le peuple a trouvé en lui-même le courage de s’opposer à l’envahisseur ou à l’occupant. La réunion des moyens et les procédés de leur emploi se sont ordonnés à l’esprit de défense.

Demain, comment celui-ci peut-il venir aux Français avant qu’il ne soit trop tard ? Un sursaut de l’éducation nationale serait le bienvenu. Il est légitime et nécessaire, en effet, que les enseignants provoquent une prise de conscience des jeunes citoyens, ces futures pierres vivantes des remparts de la cité. Encore faut-il éviter de limiter l’éducation patriotique à l’exposé des rouages administratifs de nos institutions.

Toutefois, en attendant demain, c’est ici le lieu de rappeler qu’il existe en France des organisations de patriotes : celles des cadres de réserve, celles des anciens combattants. Pour avoir donné le meilleur d’eux-mêmes sur divers champs de bataille, les anciens ne tolèrent pas le discrédit croissant des valeurs auxquelles ils se sont dévoués. Leur morosité apparente peut devenir enthousiasme s’ils se sentent encouragés et aidés à proposer leur idéal à la jeunesse. Les enfants, eux, sont toujours contents de s’intéresser à l’histoire qui ne leur est pas enseignée et à leurs grands-parents qu’ils ne connaissent pas ; la campagne pédagogique « Racontez-vous grand-père » de 1983 l’a montré ⁽¹⁾.

La journée de préparation à la défense, avatar moderne du service national, prendra donc son plein effet, non dans la présentation des techniques du moment, essentiellement provisoires, mais dans l’illustration des principes de la défense de la France par ses anciens acteurs. Ainsi s’appliquera de nouveau le décret de la Convention du 28 août 1793 proclamant la patrie en danger ⁽²⁾.

C’est dire qu’à côté des ministères traditionnels des Armées, de l’Armement et de la Protection civile, il est urgent de créer le ministère de l’Esprit de défense nationale et de le confier aux anciens combattants. ♦

(1) Exhortation apostolique du pape Paul VI en date du 8 décembre 1975. « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ; s’il écoute les maîtres, c’est parce que ceux-ci sont des témoins ».
(2) Décret de la Convention en date du 28 août 1793 proclamant la patrie en danger : « Les jeunes gens iront au combat. Les hommes mariés forgeront des armes et transporteront les vivres. Les femmes feront des tentes, des habits et serviront dans les hôpitaux. Les enfants mettront le vieux linge en charpie. Les vieillards se feront porter sur les places publiques pour exciter le courage des guerriers ».