La nouvelle politique militaire française en Afrique
Je suis magistrat de la Cour des comptes, mais je me suis intéressé depuis très longtemps à l’Afrique. Le hasard a fait que le changement de gouvernement m’a conduit auprès de M. Richard à m’intéresser très rapidement (ce qui prouve que la théorie de désengagement est très vite balayée par les événements) aux questions africaines puisque nous étions en pleine crise du Congo Brazzaville et qu’il a fallu prendre immédiatement un certain nombre de décisions dans des circonstances qui n’étaient pas très simples. Cela montre que la France n’est pas indifférente au sort des pays de ce continent, qu’elle n’est pas en train de s’en désintéresser, mais qu’elle est toujours fortement engagée pour des raisons tout à la fois géopolitiques, historiques et presque morales. Il me revient de présenter la stratégie de la France en Afrique dans le domaine militaire et plus précisément dans celui de la sécurité.
On a beaucoup parlé d’un désintérêt de la France comme une espèce de prolongement de ce qui s’est observé depuis le début des années 90, et que le général Quesnot a fort bien décrit : une ère des troubles où les grandes puissances qui observent cela se retirent sur l’Olympe et décident de ne pas intervenir pour ne pas avoir à prendre des responsabilités qui pourraient se traduire par des désaveux publics et des désarrois électoraux. Or cette période récente a témoigné tout au contraire que la France maintenait ses relations avec le continent africain, qu’elle commençait à les diversifier en modifiant un certain nombre des points d’application et qu’elle le faisait en beaucoup plus étroite coopération avec les pays intéressés, contrairement à ce qu’on a souvent dit dans la presse, y compris dans la presse internationale.
En fait, la nouvelle politique française en Afrique s’inscrit dans une mutation plus profonde commencée il y a une dizaine d’années et qui considère l’environnement africain tel qu’il est, c’est-à-dire qui n’est pas stable mais fracturé, fissuré, pas uniformément désespérant contrairement à ce qui se dit. Elle tient compte de cet environnement et s’efforce de réaffirmer un certain nombre de principes ayant leur origine dans les relations très étroites que la France a nouées avec le continent depuis plusieurs dizaines, voire centaines d’années. Il s’agit donc d’une politique ancrée dans le terrain et qui tient à réaffirmer certains principes tout en cherchant à les faire partager par la communauté internationale.
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