Politique et diplomatie - La Conférence des Bermudes (4-8 décembre 1953)
Au moment où la guerre froide prend l’aspect d’une guerre de mouvement il devient plus nécessaire de resserrer les liens entre les dirigeants du monde libre et de coordonner leur politique. Et quelles que soient l’activité des chancelleries et l’efficacité du travail diplomatique quotidien, les contacts personnels entre chefs d’État offrent des occasions exceptionnelles de confronter leurs points de vue et d’en exposer les raisons. À cette nécessité répond la conférence qui s’est tenue aux Bermudes du 4 au 8 décembre à l’initiative de M. Churchill (1), entre le président Eisenhower et son secrétaire d’État, M. Dulles, M. Winston Churchill et M. Eden, le Président Laniel et M. Bidault.
Parmi les circonstances qui confèrent une importance particulière à cette rencontre, figure, au premier chef, le débat de politique étrangère qui s’est tenu à l’Assemblée nationale, du 17 au 27 novembre. Primitivement prévu pour quatre jours, ce débat s’est prolongé largement au-delà ; en effet, la discussion qui devait n’avoir qu’un objet : préciser la position que le gouvernement exposerait à La Haye le 26 novembre sur la forme que devait, selon lui, adopter la Communauté politique européenne s’étendit à l’ensemble de la politique étrangère du gouvernement ; et d’autre part le ministre des Affaires étrangères, M. Georges Bidault, surmené par un travail épuisant dut, après un discours qui fit sur l’Assemblée une impression profonde, suspendre toute activité pendant quelques jours ; en sorte que le débat n’était pas terminé lorsque s’ouvrit la conférence de La Haye a laquelle notre ministre ne put assister qu’in extremis, à la séance de clôture. Et sans doute l’ordre du jour adopté par l’Assemblée ne rendait guère possible à notre délégation à La Haye que de laisser reconduire les décisions de principe enregistrées à la conférence précédente de Rome et de remettre à un comité d’experts l’étude de la forme que devrait prendre la future Communauté européenne.
L’ordre du jour qui fut adopté par l’Assemblée, le 28 novembre, par 275 voix contre 244 et 103 abstentions, était ainsi rédigé : « L’Assemblée nationale se référant à la déclaration d’investiture du Président du Conseil, approuvée à une très large majorité, demande que soit assurée la continuité de la politique de construction de l’Europe unie ». Cet ordre du jour satisfaisait dans une certaine mesure les partisans d’une Europe « intégrée » comportant des organismes supranationaux, puisque la continuité que l’on voulait assurer renvoyait à la Haute Autorité (supra-nationale) de la Communauté du Charbon et de l’Acier ; et d’autre part il apaisait dans une certaine mesure, les inquiétudes des adversaires du supra-national qui pouvaient soutenir que la continuité de la politique européenne n’impliquait pas d’abandon de souveraineté dans le domaine politique, la Haute-Autorité du charbon et de l’acier n’étant, tout compte fait, qu’un organisme technique.
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