Politique et diplomatie - « Le Kosovo ne sera pas indépendant »
Au milieu des années 30, se jouait à Paris La guerre de Troie n’aura pas lieu. Cette pièce de Jean Giraudoux raconte les efforts faits par quelques hommes pour empêcher l’éclatement de la guerre de Troie. Dans l’une des plus belles scènes, le Grec Ulysse et le Troyen Hector, tous deux sages et intelligents, nouent une ultime négociation. Troie, propose Hector, pourrait rendre Hélène, l’épouse de Ménélas enlevée par Pâris ; l’affront serait effacé. Cependant, Ulysse, pourtant parfaitement conscient de la vanité de toute l’affaire, répond qu’il est trop tard : rien ne peut faire qu’Hélène n’ait pas été enlevée, les Grecs exigent une vengeance. Les deux héros se séparent, la guerre de Troie aura lieu. Lorsque Jean Giraudoux fait jouer cette pièce, il pense évidemment aux nuages qui s’accumulent sur l’Europe. Prophétique, il annonce que toute la bonne volonté du monde ne peut arrêter la fatalité : la guerre surviendra. La force des choses, ce mélange de dynamiques obscures, mais aussi de machinations individuelles, pèse finalement plus lourd que la raison.
Il y a bien quelque chose d’analogue dans la tragédie du Kosovo. Les diplomates se battent, avec l’énergie du désespoir, pour trouver une solution raisonnable, une formule qui satisfasse de manière équitable les protagonistes et qui, en même temps, tienne compte des impératifs de stabilité européenne. Le Kosovo ne doit pas être indépendant (satisfaction à la Serbie), tout en étant doté d’une autonomie substantielle (satisfaction aux Kosovars) ; en outre, ce compromis aurait le mérite de respecter les deux principes clés de l’ordre international, l’inviolabilité des frontières (l’intégrité de la Serbie, et, au-delà, de la nouvelle Fédération yougoslave — Serbie plus Monténégro — étant préservée) et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (reconnaissance et liberté d’expression de l’identité kosovare). Par conséquent, le Kosovo ne sera pas indépendant. Toutefois, comme la guerre de Troie a eu lieu, le Kosovo sera indépendant.
Le Kosovo, laboratoire du système international
Ce qui se joue au Kosovo dépasse le seul avenir de cette région pour le moment serbe. L’enjeu est bien : quel équilibre ou quelle synthèse entre l’inviolabilité des frontières et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?
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