Politique et diplomatie - Lever de rideau à Berlin et diplomatie asiatique
La conférence de Berlin s’est ouverte, le 25 janvier, par un échange de vues (débat serait trop dire) sur les conditions dans lesquelles pourrait s’engager, avec la participation de la Chine communiste, une négociation sur les problèmes d’Asie.
Dès la première séance de la conférence, M. Molotov, ainsi qu’on s’y attendait, a demandé que soit d’abord envisagée une conférence à cinq avec la Chine communiste qui pourrait se tenir au printemps prochain. Il a prétendu que l’exclusion du régime de Pékin de l’organisation des Nations Unies empêchait cette organisation d’adopter valablement des résolutions qui provoqueraient la détente internationale puisque ces mesures doivent en quelque façon tenir compte des vues de l’un des principaux intéressés. Et l’ordre du jour, qu’au terme d’un long discours, M. Molotov a proposé, comportait en première ligne : « l’organisation d’une conférence à cinq et les mesures propres à assurer une détente des relations internationales ». L’Allemagne et l’Autriche constituaient le second et le troisième point de l’ordre du jour soviétique. Alors que l’on escomptait un refus des ministres occidentaux qui, Mr. Dulles en particulier, avaient pris soin de préciser que l’objet de la conférence de Berlin était l’Europe et avant tout, l’Allemagne, et non la situation mondiale, ni l’Asie — les problèmes d’Asie pouvant toutefois être évoqués en fin de session sous la rubrique des questions diverses — les représentants de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis, après s’être concertés, acceptèrent les propositions soviétiques. Ce faisant, ils démontraient aux opinions publiques d’Occident qu’ils n’entendaient pas suivre le ministre soviétique sur le terrain de bataille que celui-ci avait sans doute choisi : le terrain de la procédure, mais qu’ils souhaitaient une confrontation quant au fond des positions du monde libre avec les positions soviétiques. Les mêmes raisons avaient, lors des conversations préliminaires, incliné les Occidentaux à accepter l’exigence soviétique de tenir une session sur trois dans le secteur oriental de Berlin. À la proposition de M. Molotov, Mr. Foster Dulles a répondu que les États-Unis rejettent l’idée d’une conférence à cinq. Les États-Unis ne voient pas pourquoi le conflit de Corée qui, en Asie, a accru la tension internationale, ne pourrait être réglé dans le cadre de la conférence politique qui est prévue par l’accord d’armistice ; par conséquent la proposition soviétique leur semble n’avoir d’autre but que de faire entrer par une porte latérale le gouvernement communiste chinois dans le sein des assemblées mondiales où une place ne lui a pas été faite, puisqu’il ne l’a pas méritée. M. Bidault, dans une réponse plus nuancée, a rappelé que la situation en Asie posait deux questions différentes : celle de Corée qui devait être réglée par la conférence politique, et celle de l’Asie du Sud-Est — c’est-à-dire de l’Indochine — qui pourrait également être traitée par cette conférence politique. Cependant, a ajouté M. Bidault, la France n’écarte pas, a priori, d’autres procédures qui pourraient être suggérées pour régler la question d’Indochine. Quant à M. Eden, peu soucieux, semble-t-il, de prendre une part importante à un échange de vues sur une question qui divise l’opinion britannique et l’opinion américaine, il s’est contenté de se rallier aux opinions déjà exprimées par ses collègues occidentaux.
M. Molotov, s’efforçant visiblement d’exploiter ces divergences d’opinions, a alors rappelé que l’URSS, la Chine et les républiques démocratiques populaires représentent un total de 800 millions d’âmes. Il serait, selon lui, souhaitable de rétablir les échanges commerciaux entre ce bloc de 800 millions et d’autre part les 1.600.000.000 d’habitants qui représentent le reste du monde ; et M. Molotov a insisté sur le rôle de médiation qu’une conférence des cinq pourrait jouer dans les questions internationales qui présentent pour les Occidentaux un intérêt particulier.
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