Le « droit d'ingérence » est inutile et sa rhétorique peut-être néfaste
Jean-François Revel nous rappelait récemment qu’il avait lancé la notion de « devoir d’ingérence » dans un article de L’Express de juin 1979, ayant à l’esprit l’empereur Bokassa et le maréchal Amin Dada. La non-ingérence dans les affaires étrangères des États souverains, affirmait-il à cette occasion, ne devait s’appliquer qu’aux nations démocratiques. Je pense que J.-F. Revel avait raison de demander une intervention internationale contre des régimes aussi sanguinaires que grotesques, mais qu’il a tort de penser aujourd’hui, avec bien d’autres militants de l’action humanitaire, qu’il est nécessaire de créer une norme juridique spéciale pour légitimer ce devoir d’ingérence. L’idée d’un droit d’ingérence associée aux affaires humanitaires me semble inadéquate. Elle accrédite la thèse qu’il faudrait créer un nouvel instrument juridique pour exiger le respect du droit international.
La Charte, il est vrai, affirme le principe de l’égalité souveraine des États. Elle interdit à l’Onu d’intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de leurs affaires internes. Cependant, la violation du droit international, en particulier des normes fondamentales protégeant les droits de l’homme, est par définition une question affectant les Nations unies. Les États ne sont pas obligés de signer et de ratifier des conventions. Une fois qu’ils l’ont fait, leurs gouvernements ne peuvent pas prétendre logiquement qu’ils assument un acte souverain, relevant de leur compétence exclusive, en violant leurs obligations internationales. Les États ont contracté de nombreuses obligations en ce qui concerne les droits de l’homme ou le droit humanitaire. La plupart d’entre eux ont adhéré à la Convention de 1948 contre le génocide ou aux Conventions de Genève de 1949. Le fait que ces instruments soient parfois violés sans qu’il y ait de sanctions ne justifie pas l’instauration d’un nouveau droit.
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