Réflexions sur une armée européenne intégrée
La création du « Comité Militaire Permanent » de Fontainebleau en septembre 1948, quelques mois après la signature du Pacte de Bruxelles, traduisit la volonté des contractants d’instituer le commandement unique de leurs forces armées, tant d’ensemble que sur terre, sur mer et dans les airs, de mettre ce commandement en mesure de se préparer à sa mission de guerre et d’entraîner les armées, dès le temps de paix, à opérer de concert en se conformant à des principes et procédés identiques, sans que l’on envisageât pour autant de porter atteinte à l’individualité de ces armées par un mélange de leurs unités.
On ne songea non plus à un pareil mélange, ni lors de la conclusion du Pacte de l’Atlantique l’année suivante, ni au cours de l’édification progressive de toute la hiérarchie de conseils, comités, bureaux, groupes permanents et régionaux qui sont les « rouages essentiels » du Pacte. Puis, à la lueur du drame coréen, le réarmement de l’Allemagne occidentale, dont l’éventualité n’avait encore été discutée qu’officieusement, apparut nécessaire et justifié à la majorité des gouvernements « atlantiques » et c’est alors que, dans le désir légitime de parer au danger inhérent à la renaissance d’une armée allemande autonome, et surtout d’un grand état-major à la prussienne, le représentant français soumit au Conseil de l’Atlantique, le 28 octobre 1950, le plan, approuvé par l’Assemblée Nationale, d’une armée européenne « intégrée », rattachée à des « institutions politiques d’une Europe unie ». Ce plan spécifiait que « l’intégration » des unités allemandes se ferait à l’échelon le plus bas possible.
La conclusion qui se dégage de ce rappel sommaire des faits, c’est que l’idée d’une armée internationale « intégrée », c’est-à-dire d’une armée au sein de laquelle viendraient se fondre dans des conditions à déterminer des unités de diverses nationalités, n’est pas de nature doctrinale mais de caractère occasionnel. Tant qu’on n’envisagea pas le concours de l’Allemagne à la défense de l’Europe, personne ne suggéra autre chose que la juxtaposition classique d’armées coalisées conservant chacune son autonomie, tempérée toutefois (et c’est déjà une innovation dont l’histoire militaire n’offre guère d’exemple) par une certaine subordination aux directives d’un commandement combiné fonctionnant dès le temps de paix.
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