Situation stratégique en Asie - Fragilités, tensions et crises
En Asie les aires d’inquiétude, de tensions, voire de crises demeurent nombreuses : soit que les situations locales apparaissent préoccupantes du fait de ferments de déstabilisation politique, soit que des crises s’apaisent sans pour autant que l’on soit totalement assuré qu’elles ne présentent pas de risques de résurgence, soit que d’autres ne trouvent pas d’issues dans l’immédiat ni de réelles perspectives dans le futur malgré l’application de volontés politiques, soit enfin que de vives tensions soudaines s’exacerbent pour devenir réellement préoccupantes.
En Thaïlande, même si la révolte en avril-mai 2010 des « chemises rouges », fidèles au Premier ministre Shinawatra déchu pour corruption en 2006 par un coup d’État militaire, est tombée progressivement à partir du 13 mai, jour de l’assassinat de son leader, le général de réserve Khattyia Sawatdiphol, par un tireur d’élite de l’Armée royale thaïlandaise, les rancœurs demeurent et l’on assiste, ici et là, à des tentatives isolées de rébellion. Elles se manifestent par des attentats sporadiques à la grenade à la fin du mois d’août et le 20 septembre par une nouvelle tentative, sans lendemain, de reprise de la rue par les « chemises rouges ». Dans une telle perspective, et par mesure de précaution, le 7 juillet le gouvernement thaïlandais avait prolongé de trois mois supplémentaires les mesures d’état d’urgence prononcées pendant les émeutes du printemps. Au Kirghizstan, la situation est loin d’être stabilisée après les révoltes suscitées par les rédhibitoires augmentations du coût de produits indispensables à la vie courante, révoltes qui amènent au renversement, le 7 avril, de l’autocratique président Bakyiev et à l’instauration d’un gouvernement provisoire sous la férule de Roza Otunbayeva. La perspective est un changement de constitution et l’établissement d’un régime un peu plus démocratique qu’il n’était auparavant. Cependant, le président déchu, réfugié en Biélorussie qui a pris l’engagement de ne pas l’extrader, dispose encore de forts soutiens dans le Sud du pays où, au cours de la troisième semaine du mois de juin, ses partisans, qui comprennent des policiers et des militaires, tentent une manœuvre de déstabilisation du nouveau pouvoir en fomentant une action sanglante de répression contre la minorité ouzbèke du pays.
Ailleurs les crises, que l’on pourrait pour l’heure qualifier de pérennes, se manifestent selon des intensités variables. C’est le cas de l’Afghanistan où la situation est encore loin d’être stabilisée, entretenue par les divergences de vue, voire parfois les animosités entre le président afghan Karzaï et l’Otan, handicapée aussi par l’absence d’une authentique mise en échec des taliban pour les amener à capituler. Leur capacité de nuisance, voire de combat demeure vivace. Si la bataille de Marja (13 au 28 février 2010) s’est révélée un succès, les suites sont plus douteuses. En effet, le maintien d’éléments loyaux au gouvernement central n’apporte pas les fruits escomptés puisque, sans se réinstaller complètement à Marja des éléments taliban réussissent à y revenir. Quant à la bataille de Kandahar, initialement prévue pour être lancée au début du mois de juin, elle se voit retardée à la suite de la décision de modifier les plans d’opération et de la transformer en action de reconstruction civile, ce qui n’exclut pas un accompagnement militaire. Elle se voit aussi retardée du fait du brutal changement de commandement opéré à la tête des troupes de l’Otan, qui voient le général McChrystal relevé de ses fonctions pour des écarts de langage à l’égard du président Obama et de son équipe, écarts rapportés avec félonie par une presse qui avait porte ouverte à son état-major.
Il reste 68 % de l'article à lire