Ces guerres qui viennent
Ces guerres qui viennent
Le projet de Henri Paris, qui consiste à croiser histoire et prospective à partir du constat des dysfonctionnements et crises du monde contemporain approchées sous l’angle de la violence, de ces guerres qui viennent, était ambitieux. Le défi est tenu en onze chapitres qui vont de la mondialisation de la crise financière américaine à la réflexion sur l’expansion du terrorisme islamiste et le contre-terrorisme.
L’ouvrage est touffu mais il faut reconnaître à l’auteur trois qualités qui rendent le texte passionnant : une culture historique étendue, magistrale – on passe aisément de Saint Augustin à 1794, de la guerre d’Espagne au XIXe siècle afghan, au fur et à mesure des liens entre actualité et passé – une rigueur extrême du langage qui évacue les amalgames et les dénonce, et un engagement militant qui impose au lecteur de se situer en accord ou en désaccord avec les analyses avancées. Ainsi les chapitres IV et V qui traitent respectivement de la République et l’application de ses institutions et du dépérissement de l’État, expriment l’indignation du général Paris face à la montée des privilèges et des inégalités en France. Paris écrit : « La classe politique française du début du 3e millénaire reproduit l’ancienne noblesse […] Si les citoyens ne croient plus aux valeurs de la République, ils ne la défendront pas. Cela appelle tout simplement à l’agression ». Ces chapitres ne sont pas digression mais ancrent le livre dans une vision française et situent les fractures, les violences internes qui s’inscrivent dans des relais externes.
Chaque étude/chapitre est construit sur un rythme serré : l’auteur décrypte un état des lieux de crise, renvoie à des références de crises passées qui aident à saisir le présent et interroge sur l’avenir prévisible à court ou moyen terme.
Cette manière d’écriture, en construction contrôlée et répétée, finit par imposer au lecteur la vision lucide, pessimiste, de l’auteur sur notre monde contemporain. Le descriptif de l’état des lieux est encadré conceptuellement : Afghanistan et Irak sont analysés dans le cadre de la guérilla, avec leurs caractéristiques, en leur déroulement, etc. Henri Paris se montre très pédagogue, d’une pédagogie éclairante et sans sécheresse : les pages consacrées à la guerre et à l’atome militaire sont un modèle de démontage des complexités stratégiques pour en arriver à la limpidité de la dialectique du glaive et du bouclier et au flagrant constat : « La guerre est-elle due à l’existence d’armement ou à une volonté politique ? ». La réflexion sur l’articulation entre le nucléaire et les systèmes antimissiles balistiques (ABM) éclaire un enjeu présent important.
Européen convaincu, parfois brutal à l’adresse des intentions de Washington que l’auteur pose dans une longue durée sans beaucoup de nuance, Henri Paris se montre très sévère pour les Européens et l’Europe de la défense : il constate la faiblesse et annonce que « la vulnérabilité n’a jamais été un facteur de paix, mais une invitation à l’agression »…
Ce style à l’emporte-pièce, ces formules de conclusion de chapitres, tirées d’une expérience de vie et d’années de réflexion, ne peuvent que sortir les lecteurs d’une torpeur lénifiante et peut-être, les inciter à agir. Ces guerres qui viennent, au-delà des informations précieuses que propose cet ouvrage militant, a le mérite de secouer, hors du « politiquement correct ». Il est à souhaiter que ces pages et les thèmes retenus engendrent un vrai débat. ♦