Demain, les vieux !
Demain, les vieux !
Jean-Pierre Ollivier, qui a dirigé le service de cardiologie de notre Val-de-Grâce pendant près de vingt ans, n’y va pas par quatre chemins. Le titre l’annonce crûment, c’est des « vieux » qu’il va nous entretenir. Triste, alors, ce livre ? Pas du tout : un couple de joyeux vieillards illustre la couverture. Certes, parler de la vieillesse, c’est parler de la mort, ce que le médecin – comme le soldat – est bien placé pour faire. Mais on peut le faire plaisamment, à la façon de Fontenelle, cité en exergue : « Ne prenez pas la vie trop au sérieux. De toute façon, vous n’en sortirez pas vivant ».
En attendant, les chiffres sont là : vivent les vieux ! Leur sympathique prolifération, due aux progrès de la médecine, est pourtant récente. L’espérance de vie mondiale, aujourd’hui de 67 ans, n’était, en 1950 encore, que de 45. En 2008, la France comptait 20 000 centenaires. Dès lors on peut s’interroger sur l’existence, ou non, d’une limite objective à la durée de la vie humaine. L’auteur le fait avec nous, bien que ce soit, pour lui, mal poser le problème. Ce n’est pas vieillir qui importe, mais « bien vieillir », moins retarder la mort que « gagner des années en bonne santé ».
La recette est connue et Jean-Pierre Ollivier la rappelle. Il dénonce la constance avec laquelle les modernes se raccourcissent la vie : mauvais régime alimentaire et sédentarité, voici venir les « maladies de civilisation », obésité, diabète, cancers, déficiences cardio-vasculaires. Bougeons donc, et pas seulement de corps, tant l’exercice de l’esprit conditionne la vieillesse bonne. Ne nous goinfrons pas de calories : « Il faut, mes enfants, sortir de table ayant faim », disait déjà le grand-père… dans les familles aisées. Buvons beaucoup, d’eau il va de soi, puisque les outres que nous sommes (un homme adulte, c’est 70 % de flotte !) se dégonflent avec l’âge.
Vous trouverez dans ce livre tout ce que vous souhaitez savoir sur la définition de la vieillesse, ses causes, ses remèdes et ses praticiens. Aussi sur ce qu’y peuvent nos gouvernants et qui n’est pas rien : ce que fait de ses vieux une société est le reflet de ses fondements moraux. Pourtant le message que lance le professeur Ollivier est ailleurs. « Quel usage faire, demande-t-il, d’une longévité accrue ? ». Eh bien, jusqu’au bout, « donner un sens à sa vie ». Simple et clair, à l’entendre, puisque « la présence de chacun et de chacune au sein du monde vivant possède une signification », dont l’attention portée à l’autre est l’expression. La petite vieille qui clopine tant bien que mal vers « la sagesse souriante de l’acceptation », trouvera, à la dernière phrase du livre, un amical secours : « Alors, devant l’immensité incompréhensible de l’Univers, devant l’improbabilité de la vie pourtant magiquement présente, prenons conscience de la chance inouïe qui nous est échue : avoir été présent, ne fût-ce que le temps de cet éclair qu’a été la durée de notre vie. À l’encontre du néant qui nous cerne de toutes parts, nous avons existé dans la lumière du monde ». ♦