C’est une vision réaliste des nécessités et des enjeux que nous présente ici l’historien qui fait de l’atlantisme et de ses aléas la pierre angulaire de l’Occident. En nous montrant les limites de la solidarité euro-atlantique actuelle, il montre celles de l’avenir du concept d’Occident.
Perspectives stratégiques du concept d’Occident
A strategic view of the concept of the West: end of an era or a new departure?
A historian presents a realistic vision of the issues concerning Atlanticism and sees it as the West’s keystone. By demonstrating the current limits to Euro-Atlantic solidarity he identifies those of the future Western system.
L’enlisement de l’Otan en Afghanistan et les désaccords entre ses membres à propos de la Libye conduisent de plus en plus de commentateurs à se poser la question de sa pertinence, à la suite des changements que nous avons connus depuis 1990 (1). L’Alliance atlantique elle-même a admis que dans la conjoncture actuelle, elle avait besoin d’un « nouveau concept stratégique » (2). Mais les bouleversements en cours sont tels que l’on ne peut plus se contenter de recycler de vieilles idées fatiguées (3). Il faut revenir aux fondamentaux : qu’est-ce que l’Occident et quels axes stratégiques cette notion peut-elle sous tendre ? Cela n’a rien d’évident : la notion et le mot même d’Occident ne sont apparus que dans les années 20 et 30. Leur première signification était d’ordre culturel et renvoyait à la vision d’une civilisation « occidentale » fondée sur Athènes, Rome et Jérusalem. Cette vision construisait un corps de valeurs classiques, intemporelles, considérées spontanément comme universelles : la civilisation occidentale, conçue en fait à l’époque comme l’unique véritable civilisation (4).
Il est clair que cette perception très abstraite ne pouvait pas déboucher sur une vision proprement stratégique.
Origines et signification du concept d’Occident comme axe stratégique
Il en était déjà autrement de deux courants apparus pendant la Première Guerre mondiale mais qui ne s’enracinèrent vraiment que pendant et après la Seconde. Tout d’abord l’« atlantisme » qui correspond au fait que l’Allemagne agressive et la Russie bolchevique sortent, aux yeux des Alliés, de la communauté des peuples « civilisés », tandis que les États-Unis, à partir de 1917, passent au premier plan de ce que les conseillers de Clemenceau appellent déjà entre eux une « Alliance atlantique », entre les trois grandes démocraties libérales (États-Unis, Grande-Bretagne, France) (5). Tandis que l’influent cercle gravitant autour de la revue anglaise de la Round Table pense déjà établir une union des peuples de langue anglaise (une autre variante de l’atlantisme et de l’occidentalisme, qualifiée aujourd’hui par certains Anglo-Saxons d’anglosphère).
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