Le cadre de dialogue qu’offre l’initiative « 5+5 Défense » en Méditerranée occidentale permet de manifester la solidarité régionale et de développer un partenariat stratégique renforcé entre riverains latins et maghrébins de la Méditerranée. Telle est la thèse que développe l’auteur.
Méditerranée : quel avenir pour le « 5+5 Défense » ?
The future of ‘5+5 Defence’
The opportunity for dialogue offered by the ‘5+5 Defence’ initiative in the western Mediterranean is allowing the emergence of regional solidarity and the development of a strengthened strategic partnership between inhabitants of Latin and Maghreb lands around the Mediterranean. This theme is developed by the author.
Nous avons à faire vivre et mobiliser le réseau « 5+5 Défense » (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie + Espagne, France, Italie, Malte et Portugal). À l’heure où l’opération Unified Protector conduite par l’Otan au-dessus du territoire libyen s’achève, où des ambiguïtés pèsent sur l’aide apportée par l’Union européenne (UE) en Méditerranée occidentale, où l’Union pour la Méditerranée (UPM) n’apporte pas, dans les domaines défense et sécurité, de réponses adaptées (elle n’a en effet pas vocation, ni dans la déclaration de Paris de 2008 ni dans les projections à venir, à développer une coopération en matière de défense, notamment du fait de la question israélo-palestinienne), le « 5+5 Défense » s’impose comme une alternative pertinente et complémentaire des autres structures. En phase avec nos intérêts en Méditerranée occidentale, ce forum œuvre, sur le long terme, pour la paix et la stabilité de cette région. Répondant au souci de remobiliser cette enceinte discrète, la réflexion qui suit souligne le rôle positif que peut jouer le « 5+5 Défense » dans la transition que connaissent les pays de la région.
Méconnue, l’Initiative « 5+5 Défense » est pourtant un forum actif qui a fonctionné pendant la crise libyenne en format « 5+4 ». Si la modicité de son fonctionnement et de ses réseaux construits sans publicité entre les seuls ministères de la Défense peut apparaître comme un handicap, cette structure multinationale a gardé toute sa pertinence. Nos intérêts commandent en effet que nous fassions aujourd’hui écho à la volonté exprimée par les huit autres membres de l’Initiative « 5+5 Défense » de maintenir leurs activités. Ils nous imposent en particulier de porter attention aux messages que nous transmettent, sous des formes diverses, chacun des quatre pays de la rive Sud de la Méditerranée concernés. La Mauritanie, qui assume cette année la présidence de l’initiative, le Maroc, qui prendra cette fonction l’année prochaine, l’Algérie et la Tunisie. Force est de constater que ces quatre pays attendent que le pays porteur du projet « 5+5 Défense », la France en l’occurrence, manifeste nettement avec ses voisins européens le soutien qu’elle entend apporter à cette initiative. Car, depuis sa création, le « 5+5 Défense » continue de s’imposer comme le seul forum permettant aux pays du Nord d’entretenir avec ceux du Sud un dialogue transversal régulier sur les enjeux de défense et de sécurité en Méditerranée occidentale et d’élaborer une vision partagée de ces questions. Ce constat positif, unanimement ressenti par les pays partenaires de l’Initiative, explique l’attachement réitéré des pays maghrébins à un forum qui leur permet également de dialoguer entre eux sur les questions militaires et stratégiques.
La coopération latino-maghrébine doit être pérennisée
C’est d’ailleurs le choix fait par la Tunisie, qui, au plus fort de la crise qu’a connu ce pays en début d’année, a souhaité honorer chacun de ses engagements. Reconnu comme un laboratoire d’idées, générateur de confiance et de projets concrets, le « 5+5 Défense » s’est imposé comme le cadre préférentiel d’expression d’une solidarité régionale centrée sur des enjeux communs. Enceinte informelle, flexible et souple, le « 5+5 Défense » dispose à l’évidence d’un potentiel qui n’a pas été totalement exploité à l’occasion des récents événements qui ont secoué cette zone. Comme le soulignait un représentant tunisien lors d’un comité directeur les 9 et 10 mars derniers, « ce sont bien les 9 pays du « 5+5 » qui ont répondu les premiers à l’appel à l’aide de Tunis pour la gestion des réfugiés venant de Libye mais ils l’ont fait sans se coordonner » : rappelons que la contribution de la France, de l’Espagne, de l’Italie et de Malte à la gestion de la crise humanitaire à la frontière tuniso-libyenne était estimée début mai à 10,7 millions d’euros et soulignons l’importance de la solidarité humanitaire maghrébine (un hôpital de campagne a été fourni par le Maroc). Ce potentiel peut également être exploité dans les secteurs dits de l’après-crise, le « 5+5 Défense » offrant la possibilité de renforcer nos coopérations dans des domaines tels que la contribution des forces à la protection civile, la sûreté aérienne, la surveillance et la sécurité maritime ou encore la formation et la recherche. Couplé à l’action d’autres enceintes « 5+5 », traitant notamment de migrations, transport, environnement, affaires étrangères, le « 5+5 Défense » peut en effet faciliter la mise en œuvre d’une plate-forme capable d’accompagner l’évolution stratégique actuelle, dans une approche articulant sécurité et développement. En d’autres termes, la France dispose avec le « 5+5 Défense » d’un levier d’influence stratégique majeur dans une zone de première importance. Elle doit en faire le meilleur usage. Ni l’action militaire engagée contre la Libye, ni les perspectives de relance de l’UPM ne sauraient justifier une remise en cause de la coopération progressivement et patiemment mise en place entre les partenaires de la rive Sud de la Méditerranée et les pays européens de la rive Nord. Nous devons, bien au contraire, prendre acte de la légitimité politique que les États du Maghreb reconnaissent au « 5+5 Défense » et du rôle structurant que joue la Défense dans le devenir de cette région.
Il reste 50 % de l'article à lire
Plan de l'article