Dans le nouveau paysage que dessine la mondialisation, pointent des activités illicites qui se criminalisent et s’amplifient au point de constituer désormais des secteurs rivalisant avec les États et les opérateurs économiques mondiaux. Ici aussi les lois du marché et la financiarisation du crime agissent comme des révélateurs d’enjeux qui appellent une réponse collective face à cette menace de caractère stratégique.
Intégrer la criminalité dans le champ des menaces d’ordre stratégique
Integrating criminality into the field of strategic threats
Globalization has highlighted illicit activities which have transmuted into major international organized crime, and which have grown rapidly to the point of becoming economic realities which now compete with States and other major operators in the world economy. The realities of the marketplace and the massive growth in financial crime clearly show us the risks we face, and call for a collective response in the face of this strategic threat.
La mondialisation a considérablement modifié les relations internationales et il ne faudrait pas croire que les nouvelles menaces proviennent toutes d’une recomposition du paysage géostratégique facilitant l’expansion du terrorisme ou la prolifération nucléaire. L’internationalisation des échanges, la fluidité des communications et des déplacements, conjuguée à la déréglementation des économies et à la mutation des États, ont constitué autant de facteurs favorables au développement d’activités de nature criminelle. La plus remarquable d’entre elles, la criminalité organisée, est considérée comme celle qui a su le mieux exploiter la nouvelle configuration des flux planétaires et nul doute que sa recomposition et ses métamorphoses sont, en partie, la conséquence de ce processus de mondialisation. Il n’est que de consulter les données fournies par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) et par Europol pour constater le niveau et l’ampleur des trafics et du blanchiment des capitaux issus de ces activités qui a atteint un niveau tel que sa mesure se compare désormais à celle des statistiques économiques des activités licites.
Stupéfiants, armes traite de personnes et immigration clandestine, mais aussi cigarettes, espèces protégées (faune et flore), contrebande de ressources naturelles, trafics de déchets, d'œuvres et ouvrages d'art, de véhicules volés, contrefaçons et piratages, cybercriminalité, fraude économique et in fine blanchiment (1), forment ce qu'il est convenu d'appeler les grands trafics illicites. Ces flux obéissent aux lois cardinales de l’offre et de la demande et aux principes de concurrence, de rentabilité, de course à l’innovation, de gain de parts de marché ou de réduction des coûts. Le tout dans un seul but : dégager des bénéfices rapides. En la matière, l’économie de l’illicite n’a pas d’équivalent. Quels produits, quels services peuvent se vanter d’être légalement vendus avec des gains pouvant atteindre 2 000 % de la mise initiale ?
Criminalisation économique
Cette puissance financière ouvre au crime organisé la voie des pouvoirs politique, administratif et judiciaire, par l’utilisation d’un savant dosage de menaces, chantages et surtout de corruption. Désormais bien installé, le crime organisé recherche l’anonymat. Il y parvient en créant des façades légales, en prenant des parts dans des entreprises y compris la presse, en investissant dans l’achat de commerces… L’ensemble de ces activités dégage à leur tour des bénéfices ou permet le recyclage des liquidités issues des trafics et, logiquement, l’économie se criminalise sous l’effet de cette fusion de l’économie criminelle au sein de la sphère légale.
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