Souveraineté nationale et coopération internationale
Quand la pression des Barbares aux frontières de l’Empire devint irrésistible, Rome prit conscience du péril que courait sa souveraineté. Jadis, puissance militaire, elle eût compté sur ses légions ; mais la civilisation avait forgé d’autres armes ; les juristes discutèrent, des thèses brillantes furent soutenues, et la vérité s’imposa : tout bien pesé, c’était un problème de droit. Sans consentir au moindre abandon de sa souveraineté, Rome accueillit les hordes qui se pressaient à ses frontières ; leurs rois furent nommés gouverneurs des provinces et investis des pouvoirs de défense. Certains furent honorés du titre de restaurateurs de l’Empire. Lorsque tout fut fini, l’Empire n’avait aliéné ni un pouce de son territoire ni une parcelle de son autorité mais il n’existait plus.
La France d’aujourd’hui ne se trouve pas dans une situation aussi tragique. Elle n’a pas à composer avec l’envahisseur, mais avec des alliés qui se réclament de la même civilisation, des mêmes formes de gouvernement, du même respect des engagements internationaux. Cependant les formes nouvelles de la coopération internationale en matière de défense, nées de l’obligation de créer, dès le temps de paix, des structures efficaces pour le temps de guerre, portent chaque jour atteinte au concept juridique de souveraineté. Mais ce serait restreindre à l’excès l’appréciation de la souveraineté nationale et de ses limitations que de n’y voir qu’un problème juridique. La souveraineté, dans ceux de ses aspects qui méritent d’être examinés dans ces pages, c’est, pour un État, la pleine capacité d’agir, à l’intérieur comme vis-à-vis des autres États, indépendamment de toute puissance extérieure. Or, c’est un lieu commun de dire que la défense nationale dépend des facteurs les plus divers : économiques, sociaux, démographiques, politiques, géographiques, militaires : la souveraineté, en matière de défense, doit être examinée sous tous ces aspects. Poser le problème en des termes purement juridiques, ce serait s’arrêter à la forme plutôt qu’à la substance de la souveraineté.
Des exemples pris dans l’actualité permettront d’examiner les engagements souscrits par la France, du point de vue de leur incidence sur la souveraineté nationale.
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