Marine - La comptabilité analytique dans la Marine
La comptabilité des services de l’État a été conçue pour répondre aux exigences des règles des finances publiques. Héritage d’un temps où le besoin d’information était plus réduit et le traitement de nombreux renseignements long et difficile, elle permet de suivre au franc près les dépenses de l’État. Aujourd’hui, les différents acteurs de la dépense publique ne peuvent plus se contenter de conduire les affaires de l’État avec une technique qui a vu sa pertinence se limiter à la seule connaissance du niveau des crédits dont ils disposent encore. De plus en plus, ils ont besoin d’informations précises et détaillées portant sur la nature de leurs dépenses et sur leur efficacité.
La volonté des autorités est désormais de piloter leurs organismes comme un chef d’entreprise sa société. Cette démarche, définie sous le terme de contrôle de gestion, n’est pas nouvelle, mais elle s’appuie désormais sur des moyens informatiques très performants qui permettent de mettre en œuvre des progiciels capables de manipuler rapidement des volumes de données considérables. La comptabilité analytique d’exploitation (CAE) est sans conteste la pièce maîtresse de cette démarche. C’est en effet cette méthode qui va permettre à l’organisme de se connaître véritablement. La marine nationale l’a bien compris et, tout en s’étant résolument engagée dans le contrôle de gestion, elle entreprend de bâtir le système de comptabilité analytique sur lequel elle pourra s’appuyer.
De quoi s’agit-il ?
La comptabilité analytique n’est qu’un instrument…
C’est avant tout un instrument comptable, adapté à chaque organisme et dont l’élaboration est fondée sur une méthode progressive et concertée visant à définir précisément les produits fabriqués ; les limites de chacune des entités constitutives de l’organisme afin que l’ensemble du domaine financier soit analysé sans qu’il y ait de recouvrement ; une nomenclature permettant ensuite le recueil des coûts. Certes, il s’agit d’un système comptable, mais il ne faut pas y rechercher un dispositif appelé à remplacer la comptabilité publique.
… mais c’est un instrument de pilotage
En effet, la CAE est avant tout un instrument au service des responsables, destiné à leur permettre de disposer rapidement de coûts afin de les aider dans leurs choix. Ainsi, ces données chiffrées peuvent fournir la base d’une analyse prévisionnelle visant à choisir entre deux investissements ou encore à s’orienter vers une solution de sous-traitance d’activités.
C’est également un système de mesure des performances. Instrument diffusé à l’ensemble de l’organisme, la CAE permet, par l’analyse des coûts, de repérer les dysfonctionnements, de comparer les résultats avec des organismes concurrents et de définir les postes où doit être porté un effort de rationalisation.
Enfin, dans les administrations, c’est aussi un instrument de justification. Dans un contexte budgétaire contraint, il est illusoire de vouloir préserver des budgets dont l’usage ne serait pas défini avec précision. Il s’agit à la fois de mieux connaître l’utilisation des crédits, mais également de pouvoir justifier de celle-ci ou de besoins supplémentaires auprès de l’administration centrale du ministère.
Comment se met en place la CAE dans la marine ?
Des moyens précurseurs disparates…
La marine possède déjà des systèmes d’information qui remplissent partiellement ces fonctions (comme les systèmes Crab et Fracto de suivi de l’activité des bâtiments et des aéronefs, les comptabilités de travaux des ateliers, etc.) ainsi que la base de données de gestion qui constitue aujourd’hui l’instrument essentiel de connaissance des coûts. Cette comptabilité retrace annuellement le processus de transformation des ressources par les services au profit des forces qu’ils soutiennent.
Par ailleurs, en application d’un mandat donné par le cabinet du ministre de la Défense en novembre 1994, différents services de soutien de la marine (1) se sont progressivement dotés de comptabilités analytiques, adaptées à leurs besoins et qui entrent aujourd’hui dans leur phase de production.
Un système analytique de calcul des coûts de formation a également été expérimenté au centre d’instruction naval de Querqueville. Depuis septembre 1999, la direction du personnel militaire de la marine a entrepris d’étendre ce système à ses principales écoles. La mise en place devrait être achevée à la fin du premier semestre 2000.
Enfin, nombre d’organismes de petite taille ont mis en œuvre des méthodes à titre expérimental afin de répondre à un besoin ponctuel de connaissance de leur activité.
… qui nécessitent maintenant une harmonisation…
Dans ce foisonnement, l’état-major de la marine a ressenti le besoin de poser les règles permettant de conduire à la synthèse des travaux en cours et de fixer la doctrine générale applicable à l’ensemble des projets marine. Les principes directeurs édictés sont au nombre de six :
• La CAE doit être adaptée au niveau de responsabilité : le centre d’analyse retenu doit donc correspondre à l’importance d’une autorité (unité, service, atelier…) ;
• Il doit exister une capacité de récompense et d’intéressement : il s’agit de pouvoir récompenser la bonne gestion et les bons gestionnaires en leur laissant, par exemple, le fruit des économies qu’ils ont su créer par leur vigilance ;
• La CAE doit être neutre : le système doit mettre en évidence le rôle de chaque échelon dans la création des coûts sans leur imputer des dépenses dont ils ne sont pas les auteurs ;
• La sincérité doit être préférée à l’exactitude : préférer la sincérité des chiffres recueillis à l’obsession de l’exactitude qui peut entraîner un coût des informations prohibitif tant par un gaspillage des ressources humaines que du fait des délais nécessaires pour les obtenir ;
• La démarche doit être exhaustive : l’ensemble des unités de la marine devra être intégré dans la démarche afin de disposer d’une vue globale ;
• Le principe d’image fidèle doit être recherché : l’ensemble des charges liées à l’exercice doit lui être rattaché par le biais des techniques comptables appropriées (étalement des charges, amortissements, etc.).
… mais un effort important reste à faire
Si le travail commence à porter ses fruits pour les services de soutien, il reste à faire progresser la démarche au profit des forces. C’est une tâche de longue haleine qui va se traduire par la mise en place d’un partenariat entre l’état-major de la marine et une dizaine d’unités pilotes représentatives. Ayant fait leurs les principes directeurs et s’étant approprié la démarche, ces acteurs contribueront à l’élaboration, à leur niveau, de la comptabilité analytique la mieux adaptée à leurs besoins.
Comme il importe de ne pas alourdir les tâches administratives des unités, le projet prévoit de laisser aux services de la marine soutenant les forces la charge des actes de dépenses liés aux crédits qui leur sont délégués. Les unités resteront donc dégagées de l’ensemble des procédures administratives relatives à la gestion de ces budgets.
Une démarche ambitieuse
L’action que commence aujourd’hui la marine est ambitieuse. Elle vise à élaborer un système global composé d’autant de comptabilités analytiques que nécessaire, répondant à la fois à son besoin de mieux gérer et à ses attentes de connaissance des coûts. À ce titre, il a vocation à constituer un instrument complémentaire de management s’insérant dans les systèmes de commandement existants. La réussite du projet dépendra beaucoup de la saisie de cette démarche par tous les acteurs qui y concourent. ♦
(1) Direction centrale des travaux immobiliers et maritimes (DCTIM), service technique des transmissions d’infrastructure de la marine (Sertim), service de l’aéronautique navale (S. Aéro).