Gendarmerie - La concertation dans la Gendarmerie
En raison de leur condition militaire, les personnels de la gendarmerie sont soumis à l’ensemble des droits et obligations définis par le règlement de discipline générale dans les armées (décret du 28 juillet 1975) et font, à ce titre, l’objet, selon la formule célèbre du doyen Hauriou, d’un « cantonnement juridique ». Bien que le statut général des militaires (loi du 13 juillet 1972) affirme que ces derniers « jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens », il est toutefois précisé que « l’exercice de certains d’entre eux est soit interdit, soit restreint ».
Ainsi, il est fait interdiction au gendarme, comme à tout autre militaire, d’adhérer à des groupements à caractère politique. De même, il se trouve soumis au devoir de réserve, à l’obligation de ne pas porter atteinte à la neutralité des armées, à l’interdiction du droit de grève et de la liberté syndicale ou encore à l’obligation de résidence pour des raisons de service. Dans le domaine des droits politiques, si le gendarme est, au même titre que ses concitoyens, électeur et éligible, le code électoral n’en a pas moins prévu, comme pour certaines catégories de fonctionnaires, un régime d’incompatibilités et d’inéligibilités. La condition militaire étant incompatible avec l’exercice de fonctions électives, une fois élu, le gendarme doit ainsi opter entre l’exercice du mandat électif (il est alors placé en service détaché) et le maintien dans son emploi. En outre, les officiers exerçant ou ayant quitté depuis moins de six mois leurs fonctions dans une circonscription territoriale y sont inéligibles.
En l’absence de représentation syndicale, des structures de concertation ont été mises en place dans les forces armées, l’article 17 du RDG précisant à ce propos que « la participation des militaires aux mesures intéressant les divers aspects de la vie courante de la collectivité est assurée par la désignation de militaires de divers grades au sein de commissions consultatives constituées conformément aux dispositions des règlements de service intérieur de chacune des armées et de la gendarmerie ou aux instructions d’application ». Pour ce qui est de cette dernière, dans l’esprit du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) (1), un organisme propre à la gendarmerie a été institué par le décret du 26 février 1990. Se situant dans le prolongement des commissions mises en place à l’occasion du règlement de la fronde épistolière et du malaise des gendarmes de l’été 1989, ce conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) exerce une mission de concertation et de représentation des personnels auprès du ministre de la Défense.
Organisé par l’instruction du 5 juillet 1990, le CFMG a pour mission d’examiner en réunion plénière (deux fois par an), outre les questions générales devant être traitées lors des sessions du CSFM, celles plus particulières concernant la gendarmerie. Si le CFMG est placé sous la présidence du ministre de la Défense, son fonctionnement effectif est assuré sous l’autorité du directeur général de la gendarmerie (qui en assure la vice-présidence). Le CFMG est composé de 71 membres (7 officiers et 64 sous-officiers), désignés pour une durée de quatre ans par voie de tirage au sort parmi les personnels s’étant portés volontaires (chaque siège étant occupé par un titulaire et cinq suppléants). Depuis 1995, le secrétaire général du CFMG assure également la fonction de médiateur, avec pour mission de faciliter le fonctionnement des divers organes de concertation.
Pour ce qui est des unités, il est possible de mentionner, outre ceux concernant les conditions de vie dans les casernes (conseils des résidents (2), comités des fêtes, commissions administratives des ordinaires des unités déplacées et conseils d’administration des cercles), deux principaux organes de concertation : les présidents de sous-officiers (PSO) et les commissions de participation. Dans les compagnies de gendarmerie départementale (ainsi que dans les escadrons départementaux de sécurité routière et les sections de recherches) et dans les escadrons de gendarmerie mobile, les PSO — un pour les gradés et un pour les gendarmes — ont un rôle consultatif auprès des officiers commandants d’unité, qui s’exerce dans le domaine de l’exécution du service, de l’entretien des casernes et de la vie en collectivité. Ils apportent aussi leur concours aux autres sous-officiers en ce qui concerne les questions personnelles et professionnelles, tout en étant appelés à exercer des fonctions de représentation, notamment en cas d’inspections et de manifestations organisées par les autorités militaires, civiles ou religieuses. Implantées dans les groupements de gendarmerie départementale et de gendarmerie mobile, les commissions de participation sont présidées par les commandants de groupement, et rassemblent tous les PSO des unités subordonnées. Cette structure, qui a été créée par la circulaire du 2 janvier 1990, est consultée sur toute question dépassant les attributions respectives des présidents de sous-officiers. Depuis 1994, des commissions analogues ont été constituées dans les légions de gendarmerie, afin de traiter les problèmes ne se limitant pas à l’échelon du groupement.
Organisée pour pallier l’absence d’interlocuteurs représentatifs inhérente au statut militaire, cette concertation se révèle par essence limitée, en raison de son caractère consultatif (les organes ne disposent d’aucun pouvoir décisionnel), du manque de formation des membres (notamment en droit de la fonction publique) et de l’importance de l’encadrement hiérarchique, même si le mode de désignation par tirage au sort parmi les volontaires (CSFM et CFMG) et par élection (PSO) apparaît comme une garantie d’indépendance. L’observation révèle également une certaine diversité dans le fonctionnement de ces organes, la qualité des échanges dépendant en grande partie, par-delà le principe de liberté d’expression, de l’implication et du sens du dialogue des acteurs de terrain. Les difficultés et les critiques qu’ils rencontrent, en ce qui concerne le manque d’adhésion et de crédibilité, paraissent malgré tout justifier la recherche de nouvelles formes de représentation et de concertation. La constitution d’une association professionnelle des personnels de la gendarmerie paraît, à cet égard, une solution possible, selon des modalités qui restent à déterminer. Encore convient-il de souligner que, compte tenu de l’appartenance de la gendarmerie au dispositif de défense, toute évolution en ce domaine particulièrement sensible ne peut intervenir qu’à la faveur d’une réforme globale de l’ensemble des forces armées. ♦
(1) Institué par la loi du 21 novembre 1969 (modifiée par le décret du 28 février 1990), le Conseil supérieur de la fonction militaire a pour mission d’examiner les questions à caractère général relatives à la condition et au statut des personnels militaires, à l’exclusion des décisions individuelles et des problèmes d’organisation du service. Placé sous la présidence du ministre de la Défense, le CSFM est composé de 6 militaires en retraite et de 74 militaires en activité recrutés par voie de tirage au sort dans chaque conseil de la fonction militaire des trois armées, de la gendarmerie (2 officiers et 17 sous-officiers), de la délégation générale pour l’armement, du service de santé et du service des essences.
(2) Depuis l’instruction du 24 juillet 1992, les conseils des résidents remplacent les commissions de la qualité de la vie. Placé sous la présidence du commandant de caserne, le conseil des résidents réunit, au moins une fois par an, les commandants d’unités (membres de droit), des militaires et des membres de leur famille élus (membres désignés par la collectivité à raison d’une voix par famille), afin d’organiser les loisirs, les conditions d’entretien des parties communes et d’utilisation des aires polyvalentes, des terrains de jeux et des installations à usage mixte mises à la disposition de la collectivité. Le conseil des résidents est également consulté dans le domaine de l’élaboration et de la modification du règlement de la caserne, de l’accueil à réserver aux nouveaux arrivants, de la réglementation de la circulation et du stationnement dans la caserne, des conditions d’accès à la zone des familles et de l’emploi des crédits de fonctionnement alloués pour l’amélioration du cadre de vie.