Politiques publiques de sécurité
Maître de conférences de science politique, François Dieu est membre du centre d’études et de recherche sur la police. Il dirige le diplôme d’études supérieures spécialisées « Sécurité, police et société », ainsi que le centre de préparation aux concours policiers de l’Institut d’études politiques de Toulouse. Il est bien connu des lecteurs de la revue Défense Nationale où il est responsable de la chronique mensuelle consacrée à la gendarmerie. L’ouvrage qu’il nous propose sur les politiques publiques de sécurité mises en œuvre en France depuis une vingtaine d’années est donc bien celui d’un spécialiste qui consacre une très grande partie de son temps à l’étude de ces questions de société.
Dans notre société contemporaine, l’insécurité « est une oppression pour l’individu, dans la chair et l’esprit duquel elle imprime une trace souvent indélébile ». Elle doit constituer un objet d’étude, de réflexion et de politiques publiques. En France, le concept de sécurité est défini dans l’article premier de la loi d’orientation du 21 janvier 1995 : « La sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives. L’État a le devoir d’assurer la sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la république, à la défense des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre public, à la protection des personnes et des biens ». Cette loi de programmation est basée sur trois objectifs : la clarification et l’harmonisation des responsabilités des différents acteurs privés et publics participant à la sécurité, la mise en place de moyens juridiques permettant une meilleure efficacité des forces de l’ordre, et la réorganisation de la police nationale avec, notamment, la définition de nouvelles conditions de travail pour les policiers. Si cette loi novatrice introduit et développe une politique globale et universelle de la sécurité, la place prépondérante réservée à la police nationale peut se révéler, selon l’auteur, en contradiction avec le souci affiché de dépasser l’ensemble des clivages. Les principaux éléments de la loi portent en particulier sur le renforcement des pouvoirs du préfet à l’égard de l’ensemble des services de l’État, une meilleure coordination de ces derniers et l’intégration du concept de sécurité dans certaines activités comme l’urbanisme (les constructions doivent désormais être soumises à une « étude de sécurité permettant d’en apprécier les conséquences »).
Pour François Dieu, la réorganisation de la police n’a pas complètement cicatrisé les plaies des trois grands maux qui affaiblissent toujours cette grande institution publique : le premier affecte la société française dans son ensemble (division entre la police parisienne et les polices des provinces) ; le deuxième renvoie à la distinction imposée par le système juridique (division entre la police administrative et la police judiciaire) ; le troisième participe à la différenciation croissante, à l’intérieur de tout groupe social, des fonctions et des organes (division entre les policiers généralistes des services de sécurité publique et ceux de la police judiciaire ou des renseignements généraux). L’auteur s’attarde aussi longuement sur la gendarmerie nationale, qui se caractérise par la proximité, la surveillance générale de tout le territoire, la disponibilité et la polyvalence. À ces qualités indéniables de l’une des plus anciennes institutions françaises (les forces de gendarmerie sont les héritières des maréchaussées de l’Ancien Régime qui furent pendant des siècles les seuls corps exerçant sur le territoire des missions de police étendues à l’ensemble de la population), il faut ajouter la fonction sociale de la brigade de gendarmerie dans les campagnes. Parce qu’il est tout à la fois un représentant de l’ordre, un agent de l’État préposé à la sécurité et un auxiliaire de justice, le gendarme peut être amené « à connaître de l’ensemble des faits susceptibles de porter atteinte, à des degrés divers à la cohésion sociale ». Aussi, sans jamais renoncer à la nécessaire application de la loi, le gendarme doit en de multiples circonstances se comporter en « médiateur opérateur », essayant, « par l’écoute et le dialogue, le compromis et la recherche de la solution équitable, de concilier les fondements de l’État de droit avec la complexité des réalités locales ».
Dans ce livre très complet, François Dieu aborde de nombreux autres thèmes qui relèvent du quotidien : violences urbaines, sentiment d’insécurité, « incivilités », prévention de la délinquance, politique de la ville, contrats locaux de sécurité, aménagement du territoire, police de proximité, etc. Cette introduction aux politiques de sécurité s’adresse en priorité aux chercheurs, aux étudiants et aux acteurs de la sécurité qui souhaitent disposer d’un document synthétisant toutes les connaissances utiles à leur réflexion et à leur action. ♦