Hermann Franke : Chapitre « Geistiger Krieg » [La guerre morale] in Handbuch der neuzeitlichen Wehrwissenschaften [Manuel des Sciences militaires modernes] ; Walther de Gruyter, Leipzig, 1939
L’État-major allemand a fait publier dernièrement un ouvrage du plus haut intérêt intitulé Handbuch der neuzeitlichen Wehrwissenschaften (Manuel des Sciences militaires modernes, Walther de Gruyter, Leipzig).
Dans ce livre, le chapitre le plus passionnant est celui qui aide à la compréhension de la conduite actuelle de la guerre et qui a pour titre : « La guerre morale » (Geistiger Krieg). L’auteur l’explique ainsi : « Nous appelons guerre morale la lutte que l’État poursuit avec des moyens d’ordre intellectuel et moral : d’une part, en vue de renforcer auprès de l’opinion mondiale son propre prestige et d’affaiblir celui de l’ennemi ; d’autre part, en vue de maintenir et d’accroître sa propre force combative et de diminuer la volonté de résistance ennemie. »
Les trois buts essentiels sont :
« 1° Abaisser l’ennemi aux yeux du monde, le convaincre que sa lutte est sans espoir, soulever son peuple contre le Gouvernement et l’amener, par toutes sortes d’insinuations et de suggestions, à désirer la fin de la guerre. »
« 2° Convaincre les nations neutres de l’amour de la paix de l’Allemagne et de la justice de la cause allemande, leur persuader par contre que l’ennemi a violé la paix et le droit des gens et que, par conséquent, il met en danger la vie des peuples ; amener enfin les neutres à prêter à l’Allemagne leur concours contre ses adversaires. »
« 3° Fortifier la foi de la nation allemande dans la justice de sa propre cause et dans sa confiance dans la victoire finale ; rassembler toutes ses forces en un faisceau d’énergies suprêmes. »
Il est aisé de reconnaître dans les manifestations présentes de la propagande allemande une application de ces principes pour essayer de désarmer les esprits et de semer des divisions entre la France et ses Alliés.
Le Reich mène donc actuellement une véritable « guerre blanche » en se conformant aux prescriptions de la doctrine officielle (cf. Propagande, und nationale Match, par Eugen Hadamovsky) et aux instructions des chefs de l’armée : « Guerre morale et guerre militaire ne concordent pas toujours dans le temps ; la première précède souvent la seconde et se poursuit encore quand les armes ont déjà été déposées. »