Archinard et le Soudan
Le général Réquin, neveu du général Archinard, a la bonne fortune de posséder les notes de son oncle durant sa carrière coloniale. Ces documents ont ainsi permis au général Réquin de présenter, avec des renseignements inédits, une des plus glorieuses carrières dont puissent s’enorgueillir l’artillerie coloniale et la France, car le général Archinard, si bien qualifié par la phrase du maréchal Lyautey : « Il y a deux noms qui, entre tous, dominent l’histoire de notre développement colonial : Archinard et Gallieni », a donné le Soudan à la France.
Archinard arrive au Soudan comme capitaine sous les ordres du général Borgnis-Desbordes. Il fait ses premières armes sous ce chef qui, lui aussi, a laissé un grand nom. Bâtisseur de postes et guerrier, il construit Bamako et se bat à Dabo. Discernant l’importance du Soudan comme couverture du Sénégal puis comme élément de la chaîne qui doit nous mener au Tchad, il empêche de l’abandonner à une époque où les entreprises coloniales rencontrent de nombreux adversaires en France. Commandant en chef, puis gouverneur du Soudan, il entend faire disparaître les sultans noirs dont la principale industrie est la guerre d’extermination d’une partie de la population dont le reste est vendu comme esclaves.
Ses luttes sont continuelles contre Ahmadou et Samory et il faut suivre le récit de ces campagnes pour se rendre compte des souffrances endurées par les quelques Français qui voulaient fonder la plus grande France. Koundiou, Segou, Ouassébougou, Nioro, Kankan marquent les principales étapes de la conquête. Ménager du sang des quelques Français qui le suivent, il généralise l’emploi des troupes indigènes, mêle la politique à la guerre, libère les populations, pacifie les régions et prépare l’avance sur Tombouctou.
Ce guerrier pacificateur aime l’indigène qui lui voue un véritable culte, c’est qu’il s’occupe de son bien-être, développe l’agriculture et l’élevage, crée des voies de communication, pousse la construction du chemin de fer de Kaiyes à Bafoulabé. Ses directives à ses subordonnés sont nettes, précises ; elles fixent le but à atteindre, mais leur laissent toute initiative dans l’exécution ; ainsi forme-t-il des caractères : Mangin, Marchand, Joffre. Grand colonial, le général Archinard a fait école et tous les coloniaux ont suivi ses conseils,
Les nombreuses campagnes au Soudan ont ruiné sa santé, mais ce grand soldat sert encore, pendant la première guerre mondiale, comme commandant du corps d’armée colonial, puis comme membre du Conseil supérieur de la guerre. Retiré dans une petite propriété des environs de Paris, il meurt presque oublié. Toutefois, la France finit par lui rendre justice et sa statue s’élève à Ségou, ancienne capitale d’Ahmadou, ce grand ennemi de la France qu’il avait su vaincre aux moindres frais.