Diplomatique - La Conférence de la Paix : le sort de Trieste - Le peuple hellène et la monarchie - Les problèmes allemands et le discours de M. Byrnes
Les délégués des vingt-et-une puissances ont poursuivi, soit en commissions, soit en séances plénières, l’examen des projets relatifs aux cinq traités de paix. Ce travail eût été plus rapide et plus positif si l’on avait pu éviter, ou tout au moins circonscrire, la polémique qui continue d’opposer les représentants des États slaves à ceux des pays anglo-saxons. Certaines attaques personnelles, presque violentes, et qui n’avaient avec les traités qu’un rapport lointain, jettent une ombre fâcheuse sur la Conférence de Paris. Par contre, il convient d’inscrire à son actif l’accueil attentif qu’elle a réservé aux délégués des États satellites de l’Axe et à ceux des puissances intéressées au règlement des problèmes concernant ces États. Les représentants les plus qualifiés de l’Italie, de la Hongrie, des pays balkaniques et de la Finlande, ceux de l’Autriche, de l’Égypte et de l’Albanie ont eu tout loisir d’exposer leurs points de vue et de défendre leurs intérêts. On ne pourra pas qualifier de Diktat les traités issus d’une aussi large discussion. Les vainqueurs ont donné audience aux vaincus ; ils ont écouté ceux qui, demeurés hors du conflit, pourront néanmoins être touchés par les conventions à intervenir entre vainqueurs et vaincus. Cette procédure fait honneur aux sentiments de justice et de probité qui animent la Conférence et marque un progrès sensible sur celle qu’avaient adoptée les puissances de l’Entente après la première guerre mondiale.
Dès la fin du mois d’août 1946, les quatre ministres des Affaires étrangères ont décidé de poursuivre leurs travaux en séance privée, concurremment avec ceux de la Conférence des Vingt-et-un, dans l’espoir de gagner du temps. D’autre part, les suppléants des ministres se sont donné pour tâche de rechercher une position commune en face des amendements proposés par les autres puissances. Enfin les Quatre se sont engagés à soutenir ensemble à la Conférence les articles des projets de traités sur lesquels ils s’étaient mis d’accord. En dépit de toutes ces mesures, il a bien fallu reconnaître qu’au rythme où se poursuivaient les travaux, on ne pouvait guère en escompter la fin avant la date fixée pour la première réunion de l’Assemblée des Nations unies. Celle-ci devait avoir lieu à New York le 23 septembre 1946. Comment assurerait-on le fonctionnement simultané de l’Assemblée de New York et de la Conférence de Paris ? Parmi les Nations unies, plusieurs ne disposent pas d’un personnel suffisant pour constituer en même temps deux délégations ; le nombre des interprètes qualifiés est trop limité pour subvenir aux besoins simultanés de l’Assemblée et de la Conférence. C’est pourquoi les « Cinq Grands », par une démarche collective, ont recommandé au secrétaire général de l’ONU l’ajournement de l’Assemblée au 23 octobre 1946. En outre, les Quatre ministres des Affaires étrangères ont décidé de se transporter à New York à cette même date, pour continuer leurs travaux.
Le projet de traité avec l’Italie, tel que l’avaient établi les Quatre, a rencontré à la Conférence des oppositions très vives et le désaccord le plus grave s’est manifesté sur la question de Trieste. Rappelons brièvement comment les Quatre ministres proposaient de le résoudre. Un « Territoire libre » serait érigé, englobant, avec la ville et le port de Trieste, l’espace compris entre le littoral, de Duino à Cittanova, et la ligne semi-circulaire désignée sous le nom de « ligne française ». Les territoires situés à l’est de cette ligne seraient cédés par l’Italie à la Yougoslavie. L’intégrité et l’indépendance du Territoire libre seraient garanties par le Conseil de sécurité de l’ONU. On laissait à la Conférence le soin de fixer les modalités d’un gouvernement provisoire et celles d’un statut permanent ; elle devrait toutefois s’inspirer des principes suivants : le gouverneur du Territoire libre serait désigné par le Conseil de sécurité, après consultation de l’Italie et de la Yougoslavie ; les pouvoirs législatif et exécutif seraient constitués sur des bases démocratiques ; les droits de la personne et les libertés fondamentales seraient efficacement garanties. Enfin, le statut, dans son ensemble, serait soumis à l’examen et à l’approbation du Conseil de sécurité où, comme on sait, les cinq grandes puissances peuvent user du droit de veto.
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