En retraçant le parcours fait par la Russie des dispositifs antimissiles depuis les temps soviétiques, l’autre montre la distinction faite à Moscou entre l’ambition globale des États-Unis qu’elle critique et une ambition régionale à laquelle elle pourrait s’associer. Il révèle la part de gesticulation stratégique que provoque cette question débattue.
La défense antimissile et la Russie : non… mais !
ABM defence and Russia: No, … but ... !
In retracing the changes in Russian anti-missile installations since the Soviet era, the author shows the distinction made in Moscow between the worldwide ambition of the United States so criticised by Russia, and the latter’s clear regional ambitions. He reveals just how much strategic gesticulation is generated by this well-worn debate.
La défense antimissile est l’une des questions les plus complexes et contradictoires des problématiques militaro-stratégiques, techniques et politiques actuelles sur laquelle débattent les spécialistes (1). Alexei Arbatov résumait ainsi cette question qui, depuis 1962, oppose Washington et Moscou autant qu’elle freine le « redémarrage » (reset) promis par Barak Obama dès sa prise de fonction en 2009 et qui la freine d’autant plus que les deux pays sont en période électorale, peu propice aux concessions.
Pourtant la problématique et les argumentaires pour ou contre la défense antimissile qui a prévalu à l’époque bipolaire ont profondément changé, ces systèmes étant devenus plus complexes et les contours de la menace plus indéterminés. Un bref rappel des antécédents s’avère ici nécessaire notamment pour comprendre la subsistance, de part et d’autre, de vieux réflexes du passé.
De Salt1-ABM à son abandon
Pionniers en la matière, les Soviétiques expérimentent le premier système antimissile en 1962 (Griffon puis Galosh selon le nom de code Otan). Ils justifient ce système en affirmant qu’il renforce les équilibres stratégiques alors que dans le même temps, Washington le considère comme une rupture du principe de la dissuasion. Le différend débouchera sur la signature de l’accord Salt1-ABM en 1972 qui limite ces systèmes jugés alors trop coûteux pour une efficacité limitée. On retrouve le même arsenal argumentaire dans les années 80 mais cette fois ce sont les États-Unis qui justifient le bien-fondé de l’Initiative de défense stratégique (IDS) et l’URSS qui la critique car contraire au principe de dissuasion en ce qu’elle permettrait de laisser une première frappe impunie, donnant ainsi une prime à l’agression. En un mot, dans la période d’affrontement bipolaire, il n’existe qu’un seul argumentaire – pour ou contre – et celui-ci est interchangeable selon que l’on est ou non l’initiateur du projet.
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