Espace et défense
Espace et défense
Qui aurait eu le bon goût d’accueillir, année après année, les recueils que Pierre Pascallon a consacrés à la défense se serait constitué une belle bibliothèque, ce livre est le 33e de la série. Comme à l’habitude, il s’agit des actes d’un colloque, tenu à l’Assemblée nationale le 15 novembre 2010. Le thème est d’importance, son actualité évidente, les perspectives qu’il ouvre… eschatologiques. Le plan, en trois parties, est d’une logique séduisante : militarisation de l’espace, une réalité ; arsenalisation, un projet ; gouvernance, un rêve. En bon universitaire, M. Pascallon nuance aussitôt le partage, la ligne qui sépare militarisation et arsenalisation étant floue.
Christian Lardier ouvre le débat, dressant l’état des lieux, séparant domaines (imagerie, écoute, alerte, télécommunications, navigation, météo) et acteurs (États-Unis, Russie, Chine et les autres). Thierry Garcin juge inéluctable la militarisation croissante de l’Espace. Le général Lemoine (directeur du Cesa) est aussi pessimiste, arguant du statut de puissance que conférerait aux nations qui en sont capables la mise en orbite de leurs merveilleux objets. Bon élève, le colonel Leitner (CID) applique à l’Espace des « principes de la guerre » que le fantassin, pieds dans la glaise, peine à discerner.
La deuxième partie, arsenalisation, s’offre à la spéculation. Deux thèmes en ressortent. Le premier est le lien entre Espace et arme nucléaire, mis en lumière par Alain Dupas qui évoque l’IDS du président Reagan et par Olivier Kempf en une excellente présentation de la défense antimissiles. Le second thème est la Chine, acteur nouveau qui comble le désir de peur, drogue dont nos contemporains ne sauraient se passer. Quatre intervenants en traitent, quatre va-t-en-guerre : Isabelle Sourbes-Verger, Alain de Nève, le général Paris, le colonel Cholley.
La troisième partie va nous remonter le moral. La gouvernance de l’Espace n’est pas un rêve aussi fou que le titre l’annonce. Elle est déjà bien réelle et témoigne de la lucidité des princes de ce monde. Comment pourrait-il en être autrement alors que quelque 20 000 « objets », nous rappelle Mario Hucteau, du Cnes, encombrent notre ciel ? Dès 1959 est créé le Comité de l’ONU sur les usages pacifiques de l’Espace et, en 1967, un beau traité déclare l’Espace « espace à protéger ». Florent Mazurelle rappelle aussi le rôle de l’Agence spatiale européenne. Tout cela n’empêche pas le général Arnaud, commandant le Commandement (sic) interarmées de l’Espace, créé le 1er juillet 2010, d’affirmer que la présence d’une nation dans l’Espace est le symbole de son rang. Colomban Lebas lui avait déjà répondu, changeant il est vrai de registre. La dernière imprudence de l’homme lui a fait quitter son petit monde clos orienté vers une fin. Nous voici projetés dans l’univers sans borne dont le sens, dit-il, nous échappe. Courage, bonhomme, cherche ! ♦