Politique et diplomatie - 1955, l’année de Bandoeng
Alors que l’opinion occidentale recevait distraitement lei premières informations sur les préparatifs de la conférence de Bandoeng, j’avais indiqué que lu rencontre afro-asiatique d’avril 1955 « pourrait être un événement important dans l’histoire des États qui ont accédé à l’indépendance depuis la fin de la deuxième guerre mondiale » (1). Ce disant, je sous-estimais la portée de la conférence de Bandoeng. Elle constitue, en effet, l’un des moments où s’est décidée l’orientation de la politique mondiale en 1955. À ce titre, il est bon de revenir sur cette conférence, d’en rechercher le sens et d’en suivre les prolongements.
Un article récemment écrit par celui qui fut la cheville ouvrière de la conférence facilite ma tâche. Le Dr. Roeslan Abdulgani, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères de la République d’Indonésie, qui fut, en avril, le secrétaire général de la conférence afro-asiatique vient, en effet, d’en tirer les leçons (2).
Son analyse mérite d’être résumée pour l’opinion française. Aux Asiatiques, dit le Dr. Abdulgani, il est clair que le monde est divisé en deux blocs ; mais il ne s’agit pas des blocs constitués par les deux grandes puissances antagonistes, l’URSS et les États-Unis Le monde, pour les Asiatiques, apparaît comme divisé entre, d’une part, les continents européen, américain et australien et, d’autre part, l’Asie et l’Afrique. L’Europe, l’Amérique et l’Australie, pour cet interprète de l’opinion asiatique, se rattachent h de communes racines et leur développement s’est fait en commun selon des normes qui sont étrangères à l’Asie et à l’Afrique. Ces normes, l’Asiatique les désigne, comme nous-mêmes, par le terme « the West », « l’Occident » ; et l’auteur précise : « l’Occident comprend Washington, Londres, Moscou et Canberra, car tous ces pays ont été soumis, directement ou indirectement, aux mêmes influences. » L’Occident, et particulièrement l’Europe, sont apparus d’abord aux Asiatiques sous la forme du colonialisme. Depuis peu, ils apparaissent sous la forme du communisme ; mais, comme le colonialisme, le communisme est un concept européen ; il est, comme le colonialisme, étranger à l’Asie et à l’Afrique qui redoutent également l’un et l’autre.
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