Editorial
Éditorial
C’est sans doute le bon moment de se poser des questions sur notre outil militaire et notre appareil de défense. Non que la France, ses intérêts, ses valeurs soient en danger ou qu’elle doive assumer de nouveaux engagements militaires mais parce que, comme tous les cinq ans, le temps est au débat, celui que la démocratie requiert. Il ne faut donc pas s’y dérober même si un nouveau consensus sur la défense s’esquisse. Les candidats à l’élection présidentielle n’ont pourtant pas placé ces questions de défense au cœur de leurs programmes mais ils n’ignorent pas qu’elles sont vitales pour la sécurité de la France et qu’elles constituent le principal poste d’investissements en équipements du pays. Dans leurs analyses, ce dernier point revient souvent, on le comprend.
On voit bien aussi que cette fois-ci le calendrier électoral impose un changement de législature au milieu d’un gué périlleux, celui d’une crise financière en voie d’être surmontée mais aussi celui des fortes tensions sécuritaires et des craquements d’une gouvernance mondiale en pleine recomposition. La tentation d’une révision organique et budgétaire de notre effort de défense ou d’une pause permettant une respiration budgétaire va donc être contrariée par la nécessité d’engagements rapides dans des voies lourdes d’enjeux. Ce sont les questions du bouclier antimissile, de la cyberdéfense s’agissant de programmes, les questions de l’engagement en Afghanistan et de la posture militaire de l’Europe, s’agissant de la donne politico-militaire. De plus des épisodes récents ont mis en évidence la nécessité de reforger un consensus de défense sur des sujets clés comme le nucléaire, le maillage militaire territorial, la place des militaires dans la société ou le rôle des exportations d’armement dans la sécurité du pays. Voilà bien des matières à réflexion et à débat.
Ces enjeux concernent directement un monde de la Défense en pleine remilitarisation du fait d’engagements opérationnels intenses, en pleine contraction d’effectifs et à la recherche d’une performance collective qui ménage les identités et les spécificités qu’imposent des terrains d’engagement assez distincts. Le commandement veille sur son « système d’hommes » qui fait l’objet de soins attentifs et d’un accompagnement rigoureux pour amortir autant que faire se peut les distorsions qui peuvent exister entre le militaire et la société dont il garantit la défense et la sécurité. Là est assurément le plus grand défi capacitaire des armées.
On ne peut poursuivre cette réflexion liminaire sans évoquer la mémoire de l’Algérie qui connaissait il y a cinquante ans un épisode décisif de son histoire dont les échos portent aujourd’hui jusqu’à nous le souvenir d’engagements militaires de toutes natures qui ont laissé des peuples blessés et des communautés orphelines.
Adieu enfin à Hervé Coutau-Bégarie, stratégiste, grand ami de la RDN et à Pierre Schoendoerffer, infatigable engagé militaire qui nous quittent. ♦