Les États-Unis ont adopté en janvier 2012 une nouvelle stratégie de défense dans un contexte budgétaire délicat. Présentée par le président Obama, elle constitue un changement de cap aux conséquences géopolitiques majeures pour les années à venir. Passée relativement inaperçue dans les médias, peu commentée par les experts, surtout présentée comme une adaptation de l’outil militaire à une austérité budgétaire croissante, elle est lourde de conséquences pour les équilibres mondiaux. Analyse détaillée.
La nouvelle stratégie de défense américaine dans un contexte budgétaire difficile
Il est clair que les défis posés par la puissance de la Chine, régulièrement appelée par Washington à une plus grande clarté sur ses ambitions stratégiques, sont au cœur de la nouvelle stratégie de défense américaine. Les États-Unis se réorganisent pour la dissuader et projeter leur puissance dans une région au cœur des nouveaux enjeux économiques et politiques mondiaux. Après avoir pacifié l’Europe en mettant un terme aux ambitions soviétiques, après s’être assuré d’une présence durable au Moyen-Orient, épicentre d’un arc de crise et cœur de l’approvisionnement énergétique du pays, les États-Unis se mettent en position de faire face à la montée en puissance chinoise en fixant leur attention sur l’ensemble de la région Asie-Pacifique. Cette ambition a commencé à se matérialiser concrètement par la mise en place d’une nouvelle base militaire en Australie, de taille et d’ambition modestes, mais qui constituera une base avancée dans le Sud du Pacifique, qui permettra notamment aux Marines de s’entraîner dans la région aux côtés des forces australiennes. « Project power and deter threats to peace » annonçait le président Obama devant le Parlement australien en novembre dernier, ne faisant guère de mystère du fait que les intentions américaines se projetteraient dans la durée !
Au Moyen-Orient, les États-Unis veulent organiser leur retrait en bon ordre d’Irak, puis d’Afghanistan. Il vaudrait mieux d’ailleurs parler de redéploiement tant l’importance de cette région est confirmée par la nouvelle stratégie de défense. Au moment où des forces se retirent pour laisser le contrôle aux autorités politiques irakiennes et afghanes, d’autres viennent renforcer celles déjà présentes dans les multiples bases américaines des pays du Golfe. Dans cette région, dominée par la présence d’Israël, les objectifs sont triples : renforcement des alliances régionales dirigées contre l’Iran, protection de l’allié israélien et soutien aux fragiles réformes en cours dans les pays du Printemps arabe. Les États-Unis feront tout leur possible pour ne pas avoir à se retrouver emportés dans un conflit majeur avec l’Iran, privilégiant les voies diplomatiques. En s’appuyant sur les alliés régionaux, ils feront également en sorte de garantir la sécurité d’Israël et les voies d’approvisionnement énergétiques, comme l’illustrent les récents déploiements pour répondre aux manœuvres iraniennes au large du détroit d’Ormuz. Une politique ambivalente donc, délicate à gérer, sur fond de militarisation et de radicalisation régionale croissante.
Parmi les grands changements doctrinaux, la capacité de mener deux guerres prolongées et simultanées est désormais abandonnée au profit d’un objectif moins ambitieux : « Be able to deter or impose unacceptable costs to an opportunistic adversary in one region even when US forces are committed to a large-scale operation elsewhere ».
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