SHAPE et NATO - La vie à SHAPE et à NATO - Les changements dans le Haut commandement interallié - Le Commandant suprême devant le Congrès des États-Unis
La vie à SHAPE et à NATO
Le 7 mai 1953, le général américain Alfred Gruenther, chef d’état-major, se rendit à Tunis sur invitation du Résident général pour y assister aux cérémonies commémoratives du 10e anniversaire de la libération de la Tunisie. Au cours d’un banquet offert par la municipalité de Tunis, le général proclama que « la France était une position clé de la défense européenne et mondiale et que le Président Eisenhower le sut lorsqu’il fonda SHAPE en 1951 et qu’il le sait encore plus aujourd’hui ».
Le 12, furent annoncés les importants changements dans le Haut Commandement des différents secteurs de la zone de défense occidentale, dont le compte rendu est donné plus loin.
Tandis que le 15, le Commandant suprême (SACEUR), le général américain Matthew Ridgway, se rendait à Washington pour déposer devant la Commission sénatoriale des affaires étrangères sur la situation mondiale, son adjoint direct, le Maréchal britannique Montgomery of Alamein, continuait d’effectuer une tournée générale des pays de l’Otan ; sa dernière visite fut pour son propre pays où, parlant devant l’Institut international de la Presse, il déclara : « C’est en Allemagne que se présente l’occasion de sauver la paix… La division de ce pays ne peut pas durer. Dès que l’Allemagne de l’Ouest commencera à participer à la défense de l’Atlantique Nord, son gouvernement devra participer aux délibérations de NATO. »
De son côté, le secrétaire-général de NATO, Lord Ismay, visita la Turquie et la Grèce où il eut l’occasion de discuter avec les gouvernements de ces deux pays les programmes d’infrastructure, d’émigration et d’équilibre budgétaire. Peu de temps après sa visite, le Parlement turc ratifia à l’unanimité le nouveau pacte balkanique qui prévoit des consultations militaires et diplomatiques étroites entre la Grèce, la Yougoslavie et la Turquie.
Enfin, poursuivant sa tournée d’inspection des bases aériennes de l’Europe occidentale, l’Air Marshal de la RAF Hugh Saunders, adjoint air du Commandant suprême, se rendit en Italie et en Grèce où il eut l’occasion de constater le remarquable degré d’entraînement des pilotes et la qualité des travaux exécutés dans la construction des nouvelles bases.
Signalons pour terminer que, dans le cadre de leurs activités normales, deux exercices en salle se déroulèrent durant le mois de mai. Le premier, qui se tint du 15 au 19, intitulé Concerto, fut consacré aux problèmes de logistique et de communications dans le cadre du groupe d’Armée Nord situé en Allemagne ; le second, nommé Quercia Verde, eut pour but l’étude du repli d’un corps d’armée avec contre-attaque de réserves dans le cadre des forces terrestres alliées sud-Europe en Italie du Nord.
Les changements dans le Haut Commandement interallié
À l’occasion de l’important remaniement du Haut Commandement américain, de nombreux changements se produisirent tant à SHAPE que dans les commandements subordonnés. Tout d’abord, le général Ridgway, qui succéda, il y a un an, au général Eisenhower, était désigné pour occuper le poste de chef d’état-major de l’armée américaine et membre du comité des chefs d’état-major sous l’autorité de l’amiral Radford. La succession du général Ridgway à la tête de SHAPE échoit à son brillant chef d’état-major qui joua depuis la création de cet organisme un rôle essentiel. Travailleur infatigable, esprit fin et ouvert aux problèmes européens, remarquable organisateur et animateur, le général Gruenther sera, comme l’affirment unanimement ses subordonnés des 14 pays, the right man, at the right place, at the right time.
Le commandant en chef allié sud-Europe, l’amiral américain Robert Carney, succède à l’amiral Fechteler au poste de chef des opérations navales et membre du comité des chefs d’état-major américain.
Parallèlement à cette réorganisation, le Gouvernement français, appelé à régler la succession du Haut Commandement en Indochine, désigna le général Navarre, chef d’état-major du Maréchal Juin au commandement centre-Europe, comme commandant en chef en Indochine. Le général de Lassus Saint-Geniès est rappelé à l’activité pour prendre provisoirement le poste du général Navarre, qu’il occupait déjà avant d’être placé dans le cadre de réserve. Enfin, le général Bodet, sous-chef d’état-major chargé des plans et opérations à SHAPE, est désigné comme adjoint du général Navarre, plus particulièrement chargé des problèmes d’aviation et de liaison avec les autorités alliées.
L’organisation atlantique perdit elle aussi deux de ses principaux membres : l’ambassadeur William Draper, représentant permanent des États-Unis auprès de NATO, qui rentre dans l’industrie privée et Sir Frederick Hoyer-Millar, représentant britannique, appelé au poste de Haut-Commissaire pour la zone britannique d’Allemagne.
Le Commandant suprême devant le Congrès des États-Unis
Il est traditionnel que les grands chefs militaires américains viennent librement exprimer leurs points de vue devant les différentes commissions du Congrès. C’est ainsi que le général Ridgway, lors d’une visite de deux semaines aux États-Unis, eut l’occasion de présenter ses thèmes favoris sur la Défense de l’Europe, après un an de commandement effectif à SHAPE. S’adressant le 18 à la Commission des affaires étrangères de la Chambre des Représentants et le 19 à celle du Sénat, il insista tout particulièrement sur le maintien de l’aide militaire à l’Europe dans la phase critique actuelle. Au cours de son exposé, SACEUR précisa quelques points nouveaux dont voici l’essentiel :
« L’offensive de paix soviétique a eu pour effet de ralentir le réarmement allié en Europe occidentale. Les initiatives soviétiques ont provoqué dans certains secteurs de l’opinion européenne une réaction hostile aux préparatifs militaires, réaction parfaitement naturelle qui résulte du désir de paix des Européens, mais qui risque de couper un élan si laborieusement acquis… Les forces aériennes restent insuffisantes, mais certains retards dans la fourniture du matériel et la construction de bases sont en cours d’élimination… L’admission de l’Allemagne dans NATO serait une des solutions possibles au cas où l’armée européenne ne serait pas créée, mais politiquement cela paraît impossible, car le Parlement français n’approuverait pas cette solution… Les déclarations de certaines personnalités américaines critiquant les alliés des États-Unis en des termes excessifs ne manquent pas d’être mises à profit par la propagande communiste dans ses efforts pour diviser l’alliance atlantique ».
Après avoir répété que les forces atlantiques actuelles ne pouvaient à elles seules contenir le premier choc d’une attaque soviétique, le Commandant suprême termina : « Le moment n’est pas venu pour les pays NATO de relâcher leur effort. L’importance de l’aide américaine peut difficilement être exagérée. La continuation de cette aide est essentielle à la sécurité des États-Unis comme à celle de la Communauté atlantique. » ♦