Union française - Recrudescence du terrorisme marocain en fin décembre - Le procès d'Oujda - La question marocaine et l'ONU - La soumission des fellaghas et les négociations franco-tunisiennes - L'ajournement de la question tunisienne à l'ONU - La situation dans l'Aurès - Les problèmes d'infrastructure en Afrique noire - La situation politique en Indochine
Afrique du Nord
Maroc
Le 22 décembre 1954, un attentat à la bombe a été commis à Casablanca, dans la ville européenne, faisant un mort et onze blessés. Depuis cette date les attentats se sont succédé, spécialement à Casablanca. Il semble qu’on puisse voir là un nouvel épisode de l’enchaînement infernal des actions terroristes et des réponses du contre-terrorisme.
À Oujda, le procès des émeutiers du 16 août 1953 s’est déroulé dans une atmosphère tendue, peu faite pour calmer les esprits. Les nombreux incidents d’audience et les accusations des inculpés et de la défense contre la police et ses procédés ont jeté le trouble sur des débats dont la clarté aurait dû être l’élément principal et indiscutable. Quinze condamnations à mort ont été prononcées, trente et une aux travaux forcés, vingt-neuf à des peines de prison ; il y eut dix-huit acquittements.
À l’ONU, M. Ahmed Chukeiry, délégué syrien, a présenté le point de vue du groupe arabo-asiatique dans des termes modérés ; la délégation française s’était abstenu de participer à la séance. Le 13 décembre 1954, les nations arabo-asiatiques proposaient l’ajournement de la discussion à la prochaine session de l’Assemblée ; il fut voté par 39 voix contre 15 et 4 abstentions. On a pu remarquer à cette occasion que, pour la première fois, en votant contre la résolution, les États-Unis ont soutenu la thèse française de l’incompétence de l’ONU.
Tunisie
La soumission des fellaghas et les négociations franco-tunisiennes
On comptait le 11 décembre 1954, 2 700 armes rendues. Le succès de l’opération a donc dépassé les prévisions les plus optimistes des gouvernements français et tunisien. Le calme est revenu dans le pays et n’a plus été troublé que par une brusque et brève flambée de terrorisme, le 14 décembre 1954, en dix points de Tunis et de sa banlieue ; aucune victime n’est heureusement à déplorer et il semble qu’il se soit agi d’une démonstration contre la politique de rapprochement franco-tunisien.
Les négociations franco-tunisiennes touchent à leur fin. Comme il est habituel en pareil cas, certains points délicats restent à résoudre, et l’éloignement qui subsiste entre les positions provoque une certaine tension. Du Caire, M. Salah ben Youssef a par deux fois déclaré que les conversations se trouvaient dans une impasse. Cependant l’intervention de M. Mendès-France, qui a reçu le 30 décembre 1954 les délégations française et tunisienne, a relancé le dialogue, et M. Christian Fouchet a pu déclarer à l’issue de la réunion : « Nous sommes tombés d’accord pour accélérer, aussitôt que les nécessités parlementaires le permettront, le rythme des négociations, afin d’arriver à une solution aussi rapidement que possible ».
À l’ONU
Le groupe arabo-asiatique a déposé le 16 décembre 1954 la proposition suivante : « L’Assemblée générale ayant examiné la question tunisienne, notant avec satisfaction que les parties intéressées ont entamé des négociations et que ces négociations sont encore en cours, exprime la confiance que lesdites négociations aboutiront à une solution satisfaisante, décide d’ajourner pour le moment un nouvel examen de cette question ». Cette proposition a été adoptée à l’unanimité des votants et trois abstentions.
Les deux votes sur les questions marocains et tunisiennes marquent un heureux revirement des nations arabes et asiatiques dans leur attitude vis-à-vis de la politique nord-africaine de la France. Si nous continuons à nier la compétence de l’ONU dans ces affaires, nous pouvons néanmoins constater avec plaisir la disparition d’une défiance systématique à notre égard.
Algérie : La situation dans l’Aurès
Les opérations de surveillance et de contrôle se poursuivent favorablement dans l’Aurès. Les terroristes, traqués et sans ravitaillement, ont changé de tactique et se livrent maintenant à des actions individuelles dont les victimes sont des musulmans fidèles à la France. Le gouverneur général Léonard, au cours d’une tournée d’inspection sur les confins algéro-tunisiens, a exhorté la population à coopérer au rétablissement de l’ordre, et a déclaré : « Je vous donne l’assurance que vous serez protégés contre d’éventuelles représailles. Des mesures ont été prises pour que ne soient pas inquiétés par les hors-la-loi les amis de la France. »
Cent-quarante-deux arrestations ont été opérées dans les départements d’Alger et de Constantine quelques jours avant Noël ; elles ont frappé des membres du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, et parmi eux des conseillers municipaux et d’anciens délégués à l’Assemblée algérienne. Ces mesures auraient empêché d’éclater une nouvelle flambée terroriste le 25 décembre 1954.
Afrique noire
Les problèmes d’infrastructure
Le deuxième colloque des Journaux régionaux associés, qui s’est tenu le 15 décembre 1954 à Paris, sous la présidence de M. Riond, vice-président de l’Assemblée de l’Union française, avait pour thème les problèmes d’infrastructure dans l’Union française. M. de Gouyon, président de la Commission de la défense de l’Union française, a rappelé les impératifs d’ordre militaire qui commandent l’organisation d’un réseau de grandes bases aériennes impériales ; il a également posé la question des grands axes Méditerranée–Niger, Niger–Dakar, Niger–Fort-Lamy. De son côté, M. Jacobson, président de la Commission du plan, a exposé la situation du réseau routier africain et les projets en cours.
M. Buron, ministre de la France d’Outre-mer, a inauguré, au début du mois, le dernier tronçon du chemin de fer du Mossi, entre Kedougou et Ouagadougou.
Indochine
La situation politique
Une certaine détente a suivi l’accord réalisé entre MM. Dulles, Eden et Mendès-France sur la politique commune au Vietnam. Les généraux Le Van Ty et Nguyen Van Vy ont accepté les postes auxquels ils ont été nommés par décret de l’empereur Bao Dai. La position de l’armée s’en trouve éclaircie, et l’accord des politiques française et américaine doit donner au président Ngo Dinh Diem une nouvelle chance de faire une politique d’union nationale.
On remarque cependant que Ngo Dinh Diem s’est déjà publiquement opposé au plan américain de réduction des effectifs de l’armée vietnamienne, et a déclaré que le Sud-Vietnam devait compter plus sur lui-même que sur l’aide étrangère pour assurer sa défense contre le Vietminh.
Le poste de Cana, occupé par des rebelles qui se déclaraient partisans de Ngo Dinh Diem, a été réoccupé par l’armée nationale le 9 décembre ; le train blindé français, qui se trouvait bloqué depuis huit jours, a pu regagner la base de Bien-Hoa. D’autre part, l’armée nationale continue les opérations engagées contre les dissidents hoa-hoa.
Les accords quadripartites entre la France, le Vietnam, le Cambodge et le Laos, sur les problèmes économiques et financiers, ont été signés le 29 décembre 1954 à Paris.
Au Nord-Vietnam, des accords ont été signés avec le Vietminh sur le plan économique et culturel. M. Sainteny a été officiellement accrédité auprès du président Ho Chi Minh le 17 décembre 1954. La thèse de la coexistence semble donc en voie de porter ses fruits. ♦