Les forces armées françaises sont pleinement impliquées dans la pandémie du Covid-19 et apportent leurs contributions à l’effort national visant à limiter les effets de cette épidémie tout en assurant la poursuite de ses missions indispensables tant pour la dissuasion que pour les opérations extérieures.
Les Forces armées face à la crise : la règle des 4I (T 1151)
Morphée sur A330 Phénix (Alain Courtillat, Armée de l'air)
The French armed forces are fully involved in the Covid-19 pandemic and are contributing to the national effort aimed at limiting the effects of this epidemic while ensuring the continuation of its essential missions both for deterrence and for external operations.
Dans notre « vieux » pays, où l’histoire est sans cesse rappelée à nos politiques et où le recours à l’homme providentiel reste un vieux réflexe bonapartiste, la question de l’emploi des forces armées est posée à chaque crise intérieure. Ainsi, lors des émeutes des banlieues en 2005, certains voulaient y déployer nos soldats et nos blindés. Avec sagesse, les gouvernants n’ont pas cédé à la tentation.
Toutefois, l’emploi des forces armées sur le territoire national (y compris outre-mer) est une réalité de tous les jours et l’est encore plus en cas de crise comme pour la pandémie actuelle du Covid-19. Il faut d’abord rappeler que la mission prioritaire des armées est d’assurer la défense du pays. Cela signifie d’abord maintenir la dissuasion nucléaire dans un environnement géopolitique plus que difficile actuellement et accentué par le repliement sur soi. À cet égard, l’Union européenne doit se réjouir que depuis maintenant six décennies la France ait construit sa dissuasion qui participe à la sécurité générale de l’Europe. Cela signifie aussi poursuivre les opérations notamment au Sahel où les groupes terroristes islamistes se « fichent » pas mal du coronavirus et poursuivent la déstabilisation des pays de la région. Cela signifie donc pour nos soldats, marins et aviateurs la poursuite de leurs missions. C’est la priorité.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que notre modèle militaire a été complètement transformé depuis 1996 en passant d’une armée de conscription avec une « main-d’œuvre » relativement importante à une armée professionnelle taillée au plus juste. Cela veut dire une concentration sur le « cœur de métier » avec une réduction drastique des effectifs et donc des capacités. Trop souvent, certains de nos concitoyens nous considèrent comme un réservoir humain dans lequel on peut se servir en cas de problème. Les fortes contraintes qui ont pesé sur nos forces en particulier à partir de 2008 ont amené à des choix douloureux de dissolutions et de fermetures de régiments, de bases aériennes, de désarmement de bateaux plus tôt que prévu et également la disparition d’hôpitaux militaires comme l’emblématique Val-de-Grâce (juillet 2016).
Toutefois, avec l’attaque en 2013 contre le Mali puis les attentats de 2015, nos dirigeants politiques ont pris conscience que l’outil militaire avait été sacrifié et qu’il était urgent de remonter en puissance. Ainsi depuis la première fois depuis 1962, les réductions d’effectifs ont cessé avec une légère remontée d’ailleurs dans certaines spécialités comme le cyber. La loi de programmation militaire 2019-2025 marque un tournant décisif avec une augmentation du budget consacré à la défense et dont les effets se font déjà sentir avec le renouvellement des matériels les plus anciens.
Qu’en est-il aujourd’hui face au coronavirus ? Le ministère est pleinement engagé dans la mesure de ses capacités et en poursuivant ses missions régaliennes. L’emploi de nos moyens au profit de nos concitoyens s’inscrit dans la règle des 4I, lorsque les moyens civils sont :
Inexistants
Comme le transfert hier par un Airbus A330 MRTT (Multi Role Tanker Transport) Phénix équipé du module Morphée du Service de santé des Armées (SSA) de patients de la région de Mulhouse vers des hôpitaux du Sud-Est. Seules les armées disposent de ce type de capacité.
Insuffisants
D’où le montage en cours d’un hôpital militaire de campagne à Mulhouse avec 30 lits de réanimation par le 1er Régiment médical (RMED) de La Valbonne (Ain). Les armées permettent ainsi de compléter le dispositif
hospitalier civil engorgé.
Inadaptés
Ce fut le cas lors d’inondations (par exemple, avec les « naufragés de l’A10 » en juin 2016 où les moyens militaires comme des camions Renault GBC 180 (modernisation des Berliet GBC 8KT) peuvent évacuer des personnes en danger en raison de leur garde au sol élevée.
Indisponibles
Lors de l’ouragan Irma (2017), les moyens militaires ont pu se substituer aux moyens civils qui étaient hors d’usage comme les stations d’épuration. Nous avons alors projeté des Stations de traitement des eaux mobiles (STEM) capables de fournir de l’eau potable.
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L’emploi des Forces pour ces missions s’inscrit dans un dialogue gouvernemental permanent d’évaluation des besoins avec la nécessité impérative de pouvoir durer. C’est la capacité à la résilience et donc il faut engager les moyens en respectant un des principes de la guerre défini par le Maréchal Foch : l’économie des moyens dans la durée. Ce principe est d’ailleurs appliqué actuellement dans tous les hôpitaux où il faut être vigilant à sauvegarder le personnel soignant face à la fatigue et au stress. D’où l’appel à la réserve sanitaire civil.
Face à cette pandémie sans équivalent depuis la grippe « espagnole » en 1918-1919 qui fit 165 000 morts en France et des dizaines de millions de victimes dans le monde, les armées sont totalement engagées pour protéger nos concitoyens avec le fait qu’il faut à la fois répondre à l’urgence et préserver des capacités en cas d’aggravation de l’épidémie. Une équation complexe où tous les militaires et les civils du ministère y consacrent toute leur énergie, tout en poursuivant les opérations actuelles et en assurant la dissuasion. ♦