L’emploi d’un TGV Duplex en version sanitaire cette semaine pour évacuer des patients atteints du Covid-19 constitue une première. Toutefois, la SNCF capitalise sur une longue expérience des trains sanitaires dont l’histoire est liée aux guerres.
Les évacuations par trains sanitaires (T 1155)
Un TGV Duplex (archive) Photo : Tiraden
The use of a TGV Duplex in sanitary version this week to evacuate patients with Covid-19 is a first. However, the SNCF capitalizes on a long experience of medical trains whose history is linked to wars.
L’emploi d’un TGV Duplex (aussi appelé 2N) en version sanitaire cette semaine pour évacuer des patients atteints de la Covid-19 constitue une première pour ce type de matériel non conçu pour un tel d’usage. La réflexion sur l’emploi de TGV sanitaire a débuté après les attentats de 2015, quand il a fallu augmenter la capacité de transfert de personnes blessées vers des sites hospitaliers non saturés. La SNCF et les autorités sanitaires ont donc travaillé ensemble sur ce scénario et ont réalisé des exercices qui se révèlent aujourd’hui plus qu’utiles.
Toutefois, la SNCF capitalise sur une longue expérience des trains sanitaires dont l’histoire est liée aux guerres.
À la suite de la guerre franco-prussienne de 1870-1871, le chemin de fer s’est imposé comme un outil logistique majeur, tant pour transporter les troupes vers le front que pour évacuer massivement les blessés. À la déclaration de guerre en août 1914, la France possédait 5 trains sanitaires spécifiquement aménagés et 15 trains improvisés avec des wagons remplis de paille. Au fur et à mesure de la réorganisation du Service de santé face aux pertes massives, les moyens ont été améliorés. Les compagnies de chemin de fer avaient 142 trains sanitaires en 1918. Environ 5 millions de blessés ont ainsi été évacués en 12 000 rotations.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la SNCF a été mise à contribution, y compris pour le pire avec les trains de déportés imposés et contrôlés par la Wehrmacht Verkehrsdirecktion. À partir de la bataille de Normandie, l’état du réseau ferroviaire ne permettant pas l’emploi de trains sanitaires, les Alliés ont privilégié l’évacuation par voie routière avec les fameuses ambulances Dodge 4x4 et par voie aérienne avec les C-47 Dakota.
À l’issue de la reconstruction, la SNCF a utilisé un parc hétéroclite de voitures sanitaires issues des anciennes compagnies dans deux cadres : face au Pacte de Varsovie durant la guerre froide, avec des capacités d’évacuation en cas de nécessité ; des trains de pèlerins se rendant essentiellement à Lourdes, cette pratique étant très importante d’autant plus que les trains permettaient de transporter les malades dans de bonnes conditions.
Dans les années 1960-1970, certains matériels ont ainsi été conçus spécifiquement pour prendre en compte ce volet sanitaire comme les autorails X 4300 Caravelle, dont certains étaient modifiables pour évacuer des blessés. Le parc des voitures Corail a également été concerné avec 27 voitures-ambulances VU-75 (photos ci-dessous) et VU-80 construites entre 1976 et 1983. Ces voitures avaient une capacité de 40 places couchées en version ambulance et 60 places pour le transport de groupes de jeunes.
Photos : SNCF
La fin du service de ces trains affrétés pour aller à Lourdes, le 6 octobre 2014, avait suscité une forte polémique. La SNCF s’était alors engagée à transporter les pèlerins handicapés avec des TGV adaptés. L’une des exigences pour ce type de transport est le besoin en alimentation électrique stabilisée pour des appareils (tels des respirateurs) et le maintien de la température des voitures dans les normes sanitaires requises.
L’opération actuelle constitue donc une première pour les TGV 2N, mais s’appuie sur une longue expérience… qui avait été un peu négligée ces dernières années. ♦
Éléments de bibliographie
Revues La vie du rail, Rail passion et Connaissance du rail.
Lamming Clive, Larousse des trains et des chemins de fer, Larousse, 2005, 512 pages.
Victor John et Fraisse Théo, Les Objets du train, Terres éditions, 2013, 189 pages.